Genre : Thriller, policier, action (interdit aux - 12 ans)
Année : 2012
Durée : 1h59
Synopsis :
Un tueur, profitant d'une loi qui dicte l'abandon des poursuites quinze ans après tout crime, publie ses mémoires où il décrit précisément ses meurtres. L'exposition médiatique est immédiate, mais le détective qui l'avait poursuivi à l'époque pense qu'il s'agit d'un imposteur.
La critique :
Qui l’aurait cru ? Encore ce Taratata qui nous casse les pieds avec ses films asiatiques ! Un peu de diversité que diable ! Je peux comprendre vos protestations mais c’est-à-dire que ce continent a un cinéma qui me plaît tellement que je ne peux me résoudre à ne pas vous mitrailler avec mes trouvailles. Toutefois, je consentirai prochainement à viser un petit peu plus le cinéma occidental. Que soit, nous revoici avec notre très chère Corée du Sud que nous ne présentons plus. Depuis plus d’une décennie, l’explosion de son cinéma a mené à ce qu’elle se retrouve sur le devant de la scène.
Reconnue pour la qualité de ses thrillers policier musclés loin de la sagesse occidentale, la Corée s’est vite créée un flot de thuriféraires guettant, scrutant en permanence les nouveautés et en particulier, bien sûr, celles des réalisateurs les plus connus, à l’instar de Kim Jee-woon, Bong Joon-ho, Na Hong-jin et Park Chan-wook. Fort heureusement, si leur hégémonie en termes de réputation est incontestable, d’autres cinéastes ont su se faire une place modeste sur la scène cinématographique, quand bien même ils ne seront pas vraiment connus chez nous.
Par le passé, je m’étais amusé à vous parler d’un petit florilège de métrages inédits dans nos contrées. Ceux qui nous suivent depuis longtemps doivent sans doute se rappeler de Silenced, Children…, Handphone et The Gifted Hands qui sont peut-être les plus underground chroniqués par mes soins du moins chez nous car tout du moins les deux premiers peuvent se targuer d’avoir eu un grand succès dans leur pays natal. A cette sélection peut désormais se rajouter Confession Of Murder de Jung Byung-gil à qui l’on doit seulement comme autres œuvres Action Boys et The Villainess qui, visiblement, ne sont guère très éloquents. Le film d’aujourd’hui est cité alors comme son long-métrage le plus proverbial. Et pour cause, outre ses quasi 3 millions d’entrée au box-office, il remportera deux récompenses pour le meilleur scénario et le meilleur nouveau réalisateur.
A fortiori, il y a de quoi mettre en confiance. Si l’on prend pour référence Wikipedia (donc une source loin d’être parfaite), on le mentionne comme inédit dans nos contrées. Toutefois, une version française existe bel et bien.
ATTENTION SPOILERS : Un tueur, profitant d'une loi qui dicte l'abandon des poursuites quinze ans après tout crime, publie ses mémoires où il décrit précisément ses meurtres. L'exposition médiatique est immédiate, mais le détective qui l'avait poursuivi à l'époque pense qu'il s'agit d'un imposteur.
Nous voici confrontés à un autre thriller policier. Pas facile de se lancer dans ce type de récit face à des chefs d’œuvres reconnus du thriller tels que I Saw The Devil, The Chaser, Old Boy ou encore A Bittersweet Life. C'est devoir faire montre d'une érudition quasi extraterrestre pour tenter de rivaliser avec les grands coréens. Ceci dit, Byung-gil ne se prive pas de jouer la carte de l'originalité en s'attaquant à la justice coréenne elle-même et ses lois que certains peuvent trouver douteuses. Parmi celles-ci, l'abandon des poursuites et la condamnation qui en résulterait si le meurtrier est retrouvé 15 ans après le crime. Malicieux, le réalisateur va s'attaquer subtilement à cette loi qu'il semble considérer comme absurde en mettant en scène un tueur en série profitant justement de cette opportunité pour narguer cette justice elle-même le défendant et évidemment la police qui est dans l'impossibilité judiciaire de faire quoi que ce soit. Le mal a été fait mais, à partir d'une certaine date, ce mal ne peut plus être condamnable. Telle est cette vision franchement discutable de la justice coréenne et de ses instances pas toujours réputées pour leur éthique. L'inspecteur Choi en sera l'une des victimes, balafré à la suite d'une violente course-poursuite avec l'assassin et qui ne peut plus rien faire, se retrouvant désemparé par la situation.
C'est là que Byung-gil va s'en donner à coeur joie en faisant de son Confession Of Murder un mix inattendu entre thriller policier authentique et satire sociale. Une parodie ciblant à tous les étages la population et bien sûr les médias qui vont tenir un rôle prépondérant suite aux aveux de Lee Doo-suk se dénonçant comme le psychopathe ayant tué sauvagement 10 victimes féminines. Ces mêmes médias sont représentés de manière complètement grotesque. Outre leur arrivisme type et le sensationnalisme qu'ils ne peuvent réfréner, ils ne peuvent s'empêcher de mettre exagérément en lumière Lee comme si c'était Jésus descendu sur Terre pour communiquer avec l'humanité. Chaque événement suscite l'hystérie de la presse se bousculant au portillon pour obtenir le scoop.
De leur côté, les chaînes télévisées ne sont pas épargnées en promouvant la loi du prime-time quitte à en venir à l'intolérable. L'exhumation d'un cadavre retransmis en direct en est un bel exemple. Les opérateurs couperont la retransmission juste à temps pour mieux se faire semoncer par le directeur qui virera le meneur de cette décision craignant les foudres du comité de censure. Chose dont se contrefout le PDG qui ne vise que l'audience à tout prix pour mieux flatter les bas instincts de l'être humain.
Si les médias représentés comme cinglés sont un premier point, Byung-gil ne se privera pas d'épargner l'humanité dans son essence en enfonçant très profondément le doigt sur le voyeurisme de l'Homme que l'on ne présente plus. De tout temps, l'humain a éprouvé une fascination incontrôlée envers les tueurs en série. Il se nourrit de ce dont il craint et de ce qui le révolte. Comme le disait un illustre personnage dont j'ai oublié le nom : "Les mauvaises nouvelles, c'est ce qui se vend le plus". Ce qui est exactement prouvé ici puisque le Mal est représenté, médiatisé et suscitant la folie ambiante en Corée. On ne peut que se souvenir du célèbre Ted Bundy qui cristallisa l'Amérique toute entière. Mieux encore, non content de s'attirer les regards sur lui, Lee jouit d'une véritable admiration en particulier auprès de la gente féminine le trouvant beau. Au répertoire des idioties, on tient probablement le summum avec ces groupies folles à lier oubliant qu'il s'en est pourtant pris à leur propre sexe.
On ne pourra s'empêcher de trouver que Confession Of Murder a quelques relents de misogynie pour afficher à ce point la femme comme stupide, naïve, superficielle et émotionnelle. Une mention à ce délicieux moment d'un râleur disant qu'il ne faudrait pas donner la parole aux femmes lors de conférences après que celle-ci ait dit à Lee qu'il avait une belle peau.
Ne se focaliser que sur cette médiatisation aurait été bien peu intéressante sur la durée mais c'est sans compter sur un cinéaste brouillant les pistes et ficelant correctement son idée que le métrage va obliquer sur une intrigue bien plus ambitieuse. On se contentera d'en rester là pour éviter de spoiler davantage. Cependant, Confession Of Murder, en dépit de ses belles idées, est plombé de quelques tares problématiques l'empêchant de se hisser au même niveau que les classiques du thriller coréen. Tout d'abord, cette manie de verser dans un humour bas de plafond, à de nombreuses reprises, allège considérablement l'impact anxiogène et émotionnel du récit.
Il aurait été plus réfléchi de doser savamment les moments comiques et de mettre en avant toute la perversité de l'histoire. Car là, Confession Of Murder ne se prend pas vraiment au sérieux au point de frôler parfois la blague de mauvais goût. De même, les quelques incohérences et autres facilités scénaristiques sont de la partie, ce qui ne manquera pas de faire tiquer le cinéphile pointilleux. Troisièmement, la séquence malaisante de l'ambulance sur l'autoroute flirtant allègrement avec la série B la plus cliché possible. Toutefois, on ne peut occulter le suspens omniprésent, la tension palpable et une mise en scène suffisamment pensée pour galvaniser l'intérêt du spectateur s'il ne se montre pas trop puriste sur la question.
Si on se focalise sur la qualité de l'image, il est indéniable que Byung-gil a fait un très beau boulot sur les plans léchés, les très beaux éclairages, sans oublier les décors en eux-mêmes, plutôt atypiques pour un thriller policier. On pense à la splendide séance de dédicace pour ne citer que ceci, sans oublier l'utilisation de la pluie pour alourdir l'ambiance. En revanche, point noir sur la caméra vomitive de la scène de course-poursuite du début qui part dans tous les sens. Bien dommage quand on voit la bonne chorégraphie des combats. Niveau son, ça reste bon mais sans bercer nos oreilles. Mention passable donc. Enfin, la distribution se compose d'un Jung Jae-young très en forme en inspecteur retors, suivi d'un Park Si-hoo au visage d'ange à qui l'on donnerait le bon Dieu sans confession s'il n'avait pas tué dix pauvres femmes innocentes. Et puis comment ne pas mentionner la prestation monumentale de Jung Hae-kyun dans le rôle du ténébreux Jay flanqué d'un sourire psychopathique.
Une mention est à faire aussi à Kim Young-ae dans la peau de cette mère désespérée. Etrange d'ailleurs de ne pas avoir mentionné les familles des victimes qui ne sont représentées que par un seul homme. Un choix pas très malin en ce qui me concerne. Pour les autres acteurs, ils se vautreront dans un cabotinage à surjouer pour rien. Je vous déconseille fortement la VF qui empirera la chose.
En conclusion, on ne peut masquer les qualités évidentes faisant de ce Confession Of Murder un thriller divertissant et relativement malin se suivant avec un plaisir non dissimulé en dépit de certaines erreurs de parcours. Malgré une certaine légèreté, Byung-gil tance la Corée du Sud dans tout son ensemble aussi bien au niveau de la justice que du journalisme et de l'âme humaine adoratrice de la noirceur qu'elle condamne sans pour autant détourner son regard. Un joli paradoxe de la condition humaine se retranchant derrière une barrière d'hypocrisie.
Cependant, à force de renforcer sans pondération le trait grotesque de l'Homme, Confession Of Murder finit par se prendre à son propre jeu en atténuant la froideur que nous étions en droit d'attendre. N'est pas Billy Wilder qui veut avec son extraordinaire Le Gouffre aux Chimères qui utilisait les mêmes ficelles satiriques mais en nettement plus pensé et subtil. Reste que Confession Of Murder est une petite pellicule qui ne cherche jamais à péter plus haut que son cul et qui devrait logiquement ravir les laudateurs absolus peu exigeants de thrillers asiatiques.
Note : 13/20