mississippi Burning

Genre : drame 
Année : 1988
Durée : 2h08

Synopsis : En 1964, trois militants pour les droits civiques des noirs disparaissent mystérieusement. Ce sont deux agents du FBI qui sont chargés de l'affaire. Très vite, les questionnements et les méthodes d'intimidation d'Alan Ward et de Rupert Anderson dérangent, en particulier le Klu Klux Klan. 

 

La critique :

Il faut se rendre sur le site Cinétrafic et en particulier sur le lien suivant (Source : https://www.cinetrafic.fr/liste-film/2867/1/autour-du-racisme-au-etats-unis) pour glaner et déceler la liste foisonnante et exhaustive (163 films répertoriés tout de même !) de toutes les oeuvres affiliées à la ségrégation raciale aux Etats-Unis. En vérité, dès les tous premiers balbutiements du Noble Septième Art, ce sujet spinescent était déjà d'actualité. Pour souvenance, le réalisateur D.W. Griffith signait un diptyque historique, composé par Naissance d'une Nation (1915, Source : http://cinemachoc.canalblog.com/archives/2017/09/21/35683136.html) et Intolérance (1916, Source : http://cinemachoc.canalblog.com/archives/2018/03/17/36225607.html).
Qu'on le veuille ou non, Naissance d'une Nation reste l'un des longs-métrages les plus polémiques de l'histoire du cinéma.

D'un côté, les cinéphiles érudits saluent, encensent et adulent une oeuvre soyeuse et techniquement irréprochable. De l'autre, les contempteurs tancent et vitupèrent un film xénophobe qui ferait l'apologie de la "race" blanche, et en particulier du Ku Klux Klan. Afin de faire taire la polémique croissante, D.W. Griffith réalisera Intolérance en réponse à ses mêmes détracteurs. Honni, voué à l'opprobre et aux gémonies, Naissance d'une Nation déclenche carrément des émeutes dans plusieurs villes des Etats-Unis. Le film n'échappe donc pas au couperet acéré de la censure.
Par ailleurs, bien des décennies plus tard, le cinéaste Spike Lee reprendra même plusieurs extraits de Naissance d'une Nation dans son film, BlacKkKlansman (2018), afin de dénoncer et de vilipender la doxa xénophobe et prédominante.

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Ainsi, les tensions permanentes qui parsèment l'histoire des Etats-Unis, notamment en termes de liberté et d'égalité, sont des sujets récurrents dans le cinéma hollywoodien Récemment encore, Get Out (Jordan Peele, 2017), 12 Years A Slave (Steve McQueen, 2013), Gran Torino (Clint Eastwood, 2008), Moonlight (Barry Jenkins, 2016), ou encore la série télévisée Dear White People (Justin Simien, 2017) brocardaient avec véhémence un historique émaillé par les turpitudes, les exactions et l'intolérance. Evidemment, cette xénophobie latente et immanente ne pouvait pas escarper à Alan Parker via Mississippi Burning, sorti en 1988. Issu du monde de la publicité, Alan Parker démarre sa carrière cinématographique par l'entremise du court-métrage. Vers le milieu des années 1970, il signe son tout premier long-métrage, Du rififi chez les mômes (1976).

Mais c'est avec son film suivant, Midnight Express (1978), que sa carrière explose. Ce drame, inspiré d'un fait bien réel, est aussi l'adaptation d'un opuscule éponyme. Violent, nihiliste et rédhibitoire, Midnight Express n'élude pas certaines acrimonies qui qualifient le film de raciste. A travers sa description ou plutôt sa dénonciation des conditions de détention dans les prisons turques, le long-métrage ne fait pas vraiment l'éloge du pays, en sévère déperdition à l'époque. Mais Alan Parker aime ses personnages opiniâtres, inlassablement poursuivis par un triste fatum et/ou des réminiscences douloureuses. Ainsi, Birdy (1984), Angel Heart - Aux portes de l'enfer (1987), Bienvenue au Paradis (1990), Les Commitments (1991), ou encore La vie de David Gale (2003) se polarisent sur des protagonistes en déveine. A travers ces différents portraits, c'est aussi une Amérique atone, factieuse et pusillanime qui transparaît. 

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Et Mississippi Burning ne déroge pas à la règleA l'origine, le scénario du film s'inspire d'un fait divers qui s'est déroulé en juin 1964 dans l'Etat du Mississippi. "Trois militants pour les droits civiques, Michael Schwerner, Andrew Goodman et James Chaney furent assassinés par des membres" (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mississippi_Burning) du Ku Klux Klan. Mais selon certains historiens avisés, le long-métrage d'Alan Parker ferait beaucoup trop la promotion des agents du FBI. Ces derniers passent pour des sauveurs de la veuve et de l'orphelin.
Or, durant leur enquête, le comportement de ces agents fédéraux sera jugé scandaleux en violant certaines lois, ainsi que la présomption d'innocence. 
Par ailleurs, ces méthodes rigoristes sont partiellement dénoncées par Alan Parker lui-même.

En revanche, certains édiles politiques, pourtant reliés aux meurtres des trois militants, ne seront jamais inquiétés par une justice américaine beaucoup trop partiale, surtout lorsque les victimes concernent certaines communautés aux teintes un peu trop hâlées. Mais, d'une façon générale, Mississippi Burning est un drame plutôt apprécié par l'ensemble des critiques avisées. Le long-métrage s'arrogera même plusieurs récompenses sérénissimes, entre autres l'Oscar de la meilleure photographie pour Peter Biziou, ou encore un Eddie Awards pour le meilleur montage.
La distribution de Mississippi Burning se compose de Willem Dafoe, Gene Hackman, Frances McDormand, Brad Dourif, Michael Rooker, R. Lee Ermey, Gailard Sartain, Tobin Bell, Pruitt Taylor Vince et Kevin Dunn. Attention, SPOILERS ! 

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(1) En 1964, trois hommes, membres d'un comité de défense des droits civiques, disparaissent à Jessup County, comté fictif, inspiré du lieu où les faits se sont réellement produits, dans l’Etat du Mississippi, ne laissant aucune trace. Alan Ward et Rupert Anderson, des agents du FBI, sont chargés d’éclaircir cette affaire. Le premier est un homme jeune, agissant avec « les méthodes officielles du FBI »Le second, plus âgé, originaire du sud, utilise des moyens moins conventionnels, mais plus efficaces. Afin de les aider dans leur enquête, ils font appel à des renforts qui fouillent les alentours de la ville à la recherche des corps des trois disparus. Des violences sur fond de racisme éclatent alors dans le comté tandis que l'enquête semble s'enliser dans un bourbier sans fond. 
Anderson poursuit l’enquête, en parallèle de l'équipe moderne de Ward, mais selon des méthodes plus subtiles.

Ses soupçons se portent sur le shérif Stuckey et son adjoint Pell, dont l'alibi au moment des disparitions est sa femme. L’ambiance est délétère et explosive : un homme est presque lynché, alors que Townley, le chef du Ku Klux Klan, attise les haines et la violence. Madame Pell, l'épouse de l’adjoint du shérif, écœurée par ces évènements, se résout à parler et révèle à Anderson l’endroit où se trouvent les corps des trois disparus. Tilman, le maire, après avoir été terrorisé dans un faux enlèvement par un agent noir du FBI, donne des indications qui débouchent sur l’arrestation des coupables : Townley, Swilley, Cowens, Bailey, Stuckey, Pell et Cooke (1).
Certes, à raison, on pourrait légitimement invoquer une oeuvre inique et limite propagandiste qui prend fait et cause pour l'enquête d'agents fédéraux. 

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Via Mississippi Burning, Alan Parker applique une dichotomie partiale et intangible. D'un côté, la justice et la vérité sont préfigurées par des policiers pourtant retors, pendant que les "méchants" sont symbolisés par des blancs, évidemment xénophobes et accusés d'afficher un peu trop ostensiblement leurs cagoules pointues. Dans Mississippi Burning, tous ceux qui sont affiliés au Ku Klux Klan sont décrits comme des êtres revêches, couards et orduriers. A contrario, le film décrit, avec une certaine méticulosité, un Etat en guerre civile. L'opposition entre une communauté afro-américaine - sans cesse narguée, pourchassée et ostracisée - et une communauté blanche et réfractaire est bien réelle. Pour purger cette fosse septique, il faudra accepter d'y plonger, quitte à mettre la tête la première dans une série de miasmes, de déprédations, de pendaisons et de diverses flatulences.
Telle est la rhétorique dogmatique décriée par l'agent Rupert Anderson.

Ce policier est la parfaite antithèse de son subordonné, Alan Ward. Sur ces entrefaites, l'enquête se montrera plutôt frileuse, tout du moins, dans un premier temps. Mais devant la pugnacité des principaux accusés et une doxa politique encore sous le couperet de la frilosité et d'une xénophobie sous-jacente, le duo Ward-Anderson appliquera des méthodes beaucoup plus viriles. Certes, à travers Mississippi Burning, Alan Parker s'interroge sur la justice des hommes, ainsi que sur cette réconciliation infrangible entre des factions farouchement antagonistes. 
Bon gré mal gré, Mississippi Burning est une oeuvre politique en forme de poudrière. La guerre est déclarée contre le Ku Klux Klan et tous ces mouvement politiques transis par la haine et la résurgence de l'absolutisme.

Pourtant, ce drame, nimbé de contrition et de mélancolie, est une oeuvre probe et sincère, relatant une certaine période de l'histoire des Etats-Unis, une nation toujours aussi sulfureuse. Plus de 70 ans après la sortie de Naissance d'une Nation, Mississippi Burning baguenaude à son tour sur ce chemin escarpé et tortueux, celui de l'intolérance, de la vindicte populaire et de communautés en dissidence. Bien conscient de toutes ces problématiques, Alan Parker n'a de cesse, à travers Mississippi Burning, de se questionner sur les notions de violence et de justice. 
Mutin, le metteur en scène peut escompter sur le duo coalisé par Willem Dafoe et Gene Hackman. Souvent révoltant, Mississippi Burning narre les tourments et les désenchantements de cette Amérique profonde, celle qui votera majoritairement - bien des années plus tard - pour le Président actuel, Donald Trump. C'est une autre Amérique qui est en marche...

 

Note : 15/20

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(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mississippi_Burning