the woman

Genre : horreur, gore, trash (interdit aux - 16 ans) 
Année : 2011
Durée : 1h40

Synopsis : Quand un avocat capture et tente de "civiliser" une "femme sauvage", rescapée d’un clan violent qui a parcouru la côte nord-est des États-Unis pendant des décennies, il met la vie de sa famille en danger.

 

La critique :

Non, l'enfant sauvage n'est pas seulement un mythe ou un vague simulacre qui a traversé les décennies et les siècles. De son vrai nom, Victor de l'Aveyron, cet enfant a réellement existé et appartient désormais à la culture populaire. C'est presque de façon aléatoire que le gamin sauvage est repéré dans une forêt du Tarn en 1797. Puis, deux ans plus tard, il est capturé par deux chasseurs. Diagnostiqué par le psychiatre Philippe Pinel, Victor de l'Aveyron est considéré comme un idiot congénital. Sous les précieuses instigations du ministre Lucien Bonaparte, l'enfant est recueilli par le docteur Itard, un médecin qui a épousé les doctrines de l'humanisme et du naturalisme. 
Est-il possible de socialiser cet enfant qui a évolué et grandi dans une nature hostile et adoptant, de facto, des comportements archaïques ?

Une enquête sera même diligentée pour retrouver la famille de Victor, en vain... L'identité du môme reste énigmatique même si on peut émettre l'hypothèse d'un enfant rejeté, banni, ostracisé puis abandonné par sa propre parentèle. Selon certaines études scientifiques beaucoup plus affinées, il semblerait que Victor souffrait, en réalité, d'un mutisme social et d'une pathologie de type autistique. Evidemment, une telle histoire ne pouvait pas escarper au noble Septième Art. François Truffaut réalisera L'Enfant Sauvage (1970), une version guillerette et romancée sur le parcours escarpé de Victor de l'Aveyron. Indubitablement, cette histoire a traversé les âges et les mémoires. 
Dixit les propres aveux de Lucky McKee, un metteur en scène américain, la légende de Victor de l'Aveyron constitue le socle primordial de The Woman, sorti en 2011. 

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La carrière cinématographique du réalisateur débute vers l'orée des années 2000. May (2002), son tout premier long-métrage, signe déjà l'avènement d'un cinéaste en état de grâce. A l'époque, les critiques sont unanimement panégyristes et annoncent déjà l'éclosion d'un éminent réalisateur en devenir. Hélas, Lucky McKee n'a jamais corroboré tous les espoirs placés en lui. Il enchaîne alors avec un épisode de la série télévisée Les Maîtres de l'horreur (2006), The Woods (2006), Red (2008), Blue Like You (2008), All cheerleaders die (2013), ou encore Blood Money (2017).
Malencontreusement, tous ses films successifs se solderont par une rebuffade commerciale, reléguant Lucky McKee au second plan et dans les affres de la désuétude. Tous sauf The Woman, probablement son métrage le plus proverbial à équité avec May.

Présenté en compétition dans divers festivals (notamment aux festivals de Catalogne, de Gérardmer et de Strasbourg), The Woman suscite, manu militari, les invectives et les quolibets. Certains contempteurs, en particulier certaines associations féministes, tancent et fustigent un film qu'ils (qu'elles...) jugent au mieux rétrograde, voire misogyne. A contrario, certains thuriféraires saluent et encensent une production âpre et virulente sur les thématiques, toujours spinescentes, de la socialisation, de la norme et de la civilisation. En raison de sa violence extrême, The Woman sera même supervisé par la censure. Le film de Lucky McKee échappe de justesse à l'ultime animadversion (soit une interdiction aux moins de 18 ans). The Woman écope "seulement" (si j'ose dire...) d'une interdiction aux moins de 16 ans avec la mention "Violence extrême, régression morale et torture porn". 

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Oui, The Woman vient donc inscrire son monogramme parmi les torture porn, un genre cinématographique en vogue depuis le milieu des années 2000, surtout avec les sorties concomitantes de Saw (James Wan, 2004) et Hostel (Eli Roth, 2006). A fortiori, nous tenons là un long-métrage horrifique et polémique. Reste à savoir si The Woman mérite - ou non - les plébiscites et les satisfécits dans les colonnes éparses de Cinéma Choc. Réponse à venir dans les lignes de cette chronique... La distribution du film se compose de Pollyanna McIntosh, Sean Bridgers, Angela Bettis, Lauren Ashley Carter, Zach Rand, Shyla Molhusen, Alexa Marcigliano et Carlee Baker.
Attention, SPOILERS ! (1) 
« The Woman » est la dernière survivante d'un clan qui a erré sur la côte nord-est des États-Unis depuis des décennies.

Elle demeure seule, gravement blessée et vulnérable. C'est lors d'une partie de chasse que Christopher Cleek, avocat brillant et père de famille, repère la sauvageonne. Elle décide alors de la capturer et de la séquestrer dans sa grange. Sérieusement perturbé, le paternel s'embarque, poussé par ses idéaux tordus, dans un projet détraqué : celui de capturer et "civiliser" cette femme (1). Vous l'avez donc compris. Nanti du sceau peu flamboyant de torture porn, The Woman a au moins le mérite de se démarquer d'une concurrence apoplectique en la matière.
Ici, pas question d'un serial killer écervelé ni d'une mystérieuse organisation fallacieuse qui s'adonne à d'étranges parties d'agapes et de priapées. A l'origine, The Woman est aussi l'adaptation d'un opuscule éponyme griffonné par Jack Ketchum et Lucky McKee lui-même.

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Si le film renvoie intrinsèquement à la véritable histoire de l'enfant sauvage, The Woman s'approxime davantage à une nouvelle variation du roman Sa majesté des mouches. Confronté à sa propre primauté, l'homme redevient cet animal bestial et transi par ses propres instincts primitifs. A tort, The Woman est parfois considéré comme une oeuvre profondément misogyne. Certes, la gente féminine en prend ici pour son grade. Toutes les femmes présentes dans le film sont invariablement narguées, vilipendées, apostrophées et ridiculisées ; que ce soit la maternelle rudoyée par son époux virulent, la fille en mode catatonique et que l'on devine victime de relations incestueuses, une professeure de collège atrocement suppliciée et évidemment la sauvageonne qui va subir toute une pléthore de turpitudes et de sévices (à la fois physiques et sexuels).

Pourtant, au détour de toutes ces figures féminines saccadées et sclérosées, c'est bien la gente masculine qui est semoncée et chapitrée par la caméra ensanglantée de Lucky McKee. Le cinéaste réalise un film terriblement misanthrope sur la nature humaine. Délesté de ses chaînes et de son rôle patriarcal, l'homme redevient cet être primal et bestial, entraînant avec lui sa propre famille et même sa progéniture. Pourtant, rien ne prédestinait cette famille américaine lambda à s'enliser dans de telles infamies. C'est dans ce microcosme familial que réside toute la sagacité de The Woman. Non, le film de Lucky McKee n'est pas un torture porn comme les autres.
On pourrait presque invoquer un torture porn sociologique et nanti d'une consonance systémique. Bon gré mal gré, la sauvageonne symbolise ce hiatus infrangible entre la prétendue civilisation et cette résurgence d'une primauté archaïque. 

Cependant, nonobstant ses arguties et ses qualités, The Woman n'est pas exempt de tout grief. Certes, la dernière demi-heure, en apothéose, accréditera la réputation sulfureuse du film. Toutefois, le propos de Lucky McKee manque parfois de finesse et de sagacité. Surtout, le principal argumentaire de The Woman (la civilisation versus l'animalité) est assez redondant, surtout que Lucky McKee ne cesse de le marteler tout au long de ses diverses élucubrations sanguinolentes. Non, The Woman n'est donc pas l'uppercut annoncé, même si le film estourbira sans doute les néophytes.
Pour les laudateurs les plus patentés du cinéma trash, The Woman ne constituera au mieux qu'un morceau supplémentaire dans un amas plantureux de barbaques rutilantes, mais guère davantage. 
Bref, rien qui ne puisse justifier de telles polémiques assourdissantes. En l'état, The Woman reste un torture porn beaucoup plus nébuleux que la moyenne habituelle et rien que pour cette raison, le film mérite bien quelques bonnes grâces et congratulations dans nos colonnes.

 

 

Note : 14/20

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(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Woman