mesrine instinct de mort

Genre : policier, polar, biopic
Année : 2008
Durée : 1h53

Synopsis : Des années 60 à Paris au début des années 70 au Canada, le parcours criminel hors norme d'un petit voyou de Clichy nommé Jacques Mesrine. 

 

La critique :

Jacques Mesrine, ou une figure emblématique du grand banditisme à la française. Une notoriété croissante qui s'étoffera davantage lorsque le voyou s'expatriera un peu partout en Europe (notamment en Suisse, en Belgique, en Espagne, ou encore sur les terres transalpines), et même sur la scène internationale (la police se souvient encore de son périple évasif au Québec). Sur la forme comme sur le fond, Jacques Mesrine préfigure, bon gré mal gré, cette voyoucratie en dissidence contre un système étatique en plein chambardement vers la fin des années 1960.
Issu de la France "gaullienne", Jacques Mesrine profitera allègrement de l'essor, puis de l'avènement du consumérisme à tous crins, inspirant à la fois l'obédience et la terreur, que ce soit auprès de ses congénères et d'une police en branle-bas de combat.

Il était donc logique, voire immanent que le noble Septième Art se polarise sur ce criminel hors pair, qui deviendra même l'ennemi public numéro un en France. Ainsi, le cinéma hexagonal verra éclore deux polars, par ailleurs méconnus du grand public, Jacques Mesrine, profession ennemi public (Xavier Palud, 1984) et le bien nommé Mesrine (André Génovès, 1984), deux longs-métrages qui n'ont pas spécialement laissé un souvenir impérissable, loin de là. Il était temps de réaliser un grand polar à la française. Telle est l'idée présomptueuse de Jean-François Richet via un diptyque en forme de biopic. 
Ce diptyque est donc composé par Mesrine : L'instinct de Mort et Mesrine : L'Ennemi Public N°1, tous les deux sortis la même année (donc, en 2008). Avant d'embrasser une carrière cinématographique, Jean-François Richet doit survivre de maigres subsides.

images (2)

 

A fortiori, rien ne le prédestine à épouser les linéaments du noble Septième Art. Issu de la plèbe, il besogne même à l'usine et conserve de ce marasme sociologique et sociétal des fêlures indélébiles. Ce n'est pas aléatoire si Jean-François Richet affectionne tout autant le cinéma de John Carpenter (en particulier Assaut) et celui de Sergueï Eisenstein (La Grève, Octobre et Le Cuirassé Potemkine). Son cinéma s'inspire lui aussi des vicissitudes du milieu prolétaire et populaire. On lui doit notamment Etat des lieux (1995), Ma 6-T va crack-er (1997), Assaut sur le central 13 (2005), Un Moment d'Egarement (2015), Blood Father (2016), ou encore L'Empereur de Paris (2018).
A ce jour, L'instinct de mort et L'ennemi public n°1 restent sans doute ses longs-métrages les plus proverbiaux. 

Aujourd'hui, c'est le cas de Mesrine - L'instinct de Mort qui fait l'objet d'une chronique dans les colonnes éparses de Cinéma ChocAu moins, Jean-François Richet pourra s'enorgueillir d'avoir rempli sa gageure puisque L'Instinct de Mort se soldera par un succès pharaonique lors de son exploitation dans les salles obscures. Même les critiques et la presse spécialisée se montrent unanimement panégyristes. L'Instinct de Mort est donc accueilli sous les vivats et les satisfécits. Reste à savoir si le film mérite - ou non - de telles flagorneries. Réponse à venir dans les lignes de cette chronique...
Mieux, ce polar mâtiné de biopic (à moins que ce ne soit l'inverse...) s'arroge plusieurs récompenses sérénissimes, entre autres trois Césars (meilleur son pour Jean Mimondo, Gérard Hardy, Alexandre Widmer, Hervé Buirette, meilleur réalisateur pour Jean-François Richet et meilleur acteur pour Vincent Cassel).

images

Hormis le comédien, la distribution du film se compose de Jacky Godefroy, Samuel Le Bihan, Cécile de France, Gérard Depardieu, Gilles Lellouche, Roy Dupuis, Elena Anaya, Michel Duchaussoy, Myriam Boyer, Florence Thomassin, Gilbert Sicotte et Ludivine Sagnier. Attention, SPOILERS ! Des années 60 à Paris, au début des années 70 au Canada, le parcours criminel hors norme d'un petit voyou de Clichy nommé Jacques Mesrine... De retour de la guerre d'Algérie, Jacques Mesrine refuse le travail que lui propose son père. Avec un ami d'enfance, il débute sa carrière de voyou auprès de Guido, le parrain local. Il prendra rapidement du galon, entre cambriolages et évasions spectaculaires.
Indubitablement, hormis les cinémas disparates de John Carpenter et Sergueï Eisenstein, Jean-François Richet prise et divinise le style acéré et chirurgical de Michael Mann.

Par certaines accointances matoises, Mesrine - L'instinct de Mort s'approxime à une nouvelle version de Heat (Michael Mann, 1996). Par ailleurs, là aussi, il est essentiellement question de braquages et de cambriolages de banques, soit les cibles idoines de Jacques Mesrine. Sur ces entrefaites, le personnage doit sa notoriété naissante grâce à son impétuosité, ainsi qu'à son charisme légendaire. Issu de la populace, Mesrine récuse et désavoue son patriarche. Les excoriations sont profondes et datent sans doute de la fin de la Seconde Guerre Mondiale.
Pour Jacques Mesrine, pas question de retourner sa veste ni de faire preuve d'opportunisme. Le jeune homme fougueux reproche à son paternel ses versatilités, ainsi que ses comportements débonnaires durant le régime de Vichy.

Mesrine-l-instinct-de-mort-de-Jean-Francois-Richet

Frileux, Jean-François Richet élude de se glisser sur cette systémique familiale, ainsi que sur ce chemin escarpé. Dès lors, Jacques Mesrine n'aura de cesse de se mutiner contre ceux qui tentent arrogamment de le dominer. Être libre ou être mort scande dogmatiquement le bandit impertinent. Mais l'homme n'est pas forcément cette sorte de "Robin des Bois" au grand coeur, ni ce personnage courtois et affable qui peut transparaître de temps à autre à travers les médias. Plus qu'un criminel, Jacques Mesrine n'a pas seulement pour aspérité de rançonner un système qu'il exècre et fustige. 
Au fil de ses pérégrinations, de ses prévarications et de ses prédations, l'homme devient un personnage public, avec de véritables velléités politiques. Tel sera, par ailleurs, le principal leitmotiv de Mesrine - L'ennemi public n°1.

Indubitablement, Jacques Mesrine reste insaisissable, même pour son réalisateur thaumaturgique. Changeant continûment de faciès et de visage, le voyou se gausse et s'ébaudit d'une police et d'une justice qu'il tourmente, serine et malmène. Et ce ne sont pas ses séjours carcéraux, souvent évasifs, qui parviennent à euphémiser ses ardeurs, encore moins ses propres dissidences contre le système. C'est ainsi que Jacques Mesrine dessine son propre fatum. Le bandit sait pertinemment qu'il s'écroulera et qu'il agonira parmi les ténèbres. Inexorablement... Et c'est qu'a parfaitement compris Jean-François Richet. Finaud, le cinéaste réactive les lueurs ineffables d'Assaut, un polar nébuleux auquel L'ennemi public n°1 fait voeu d'obédience et d'allégeance.
Sans réitérer les luminescences de l'excellent polar de John Carpenter, L'ennemi public n°1 convainc par sa fougue, sa verve et son outrecuidance. Jean-François Richet peut notamment escompter sur la performance tonitruante de Vincent Cassel. Mais les seconds rôles ne sont pas en reste, mention spéciale à Cécile de France, à la fois voluptueuse et vénéneuse dans ce personnage de femme fatale. A la rigueur, seul Gérard Depardieu fait montre de dissonance tant le comédien fait figure de criminel archétypal, mais c'est juste histoire de gloser et d'ergoter sur de menues peccadilles. On tient donc là un bon, voire un très bon polar hexagonal.

 

Note : 15/20

sparklehorse2 Alice In Oliver