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Genre : Thriller, policier (interdit aux - 12 ans)

Année : 2012

Durée : 2h13

 

Synopsis :

1982, Busan. Ik-Hyun est un douanier corrompu menacé d’être viré. Un jour, il découvre un sac plein d’héroïne et cherche à le revendre au Japon, s’associant pour cela avec un gangster, Hyung-Bae. Leur collaboration fonctionne bien, et leur pouvoir s’étend peu à peu sur toute la ville. Mais lorsque quelques années plus tard le gouvernement lance une guerre contre le crime organisé, leurs relations vont devenir plus tendues.

 

La critique :

Comme dans toute rétrospective, il y a toujours une fin douloureuse ou non pour certains. Ainsi, lentement mais sûrement, j'en arrive au dernier tournant de ma collection de films sud-coréens à présenter avec tout l'entrain que vous connaissez pour mon indéfectible amour pour le cinéma asiatique qui suscite toujours l'engouement. Charme exotique ? Peut-être y a-t-il un peu de ça ou tout du moins ces multiples voyages vers un autre continent, une autre mentalité, d'autres décors et une autre vision du cinéma. Dans un monde occidental où la standardisation devient une menace plus que pesante sur l'originalité et l'innovation, les adeptes de prises de risque n'ont d'autres choix que trois options : se plonger dans le vieux cinéma, visionner du cinéma en dehors des poncifs hollywoodiens ou parfaire toujours plus leurs connaissances en scrutant et se renseignant sur toutes les sorties récentes.
Un dernier travail acharné mais l'idéal étant bien sûr de combiner les trois ! Ainsi, depuis la naissance de Cinéma Choc, la Corée du Sud a toujours suscité une sympathie et un intérêt tout particuliers du blog. Sans aller jusqu'à chroniquer l'ensemble de la filmographie coréenne, nous nous sommes plus d'une fois attelés à cerner et aborder les oeuvres majeures et les cinéastes de référence qu'il n'est plus nécessaire de présenter depuis longtemps. C'est un fait que ce pays s'est propulsé au rang de créateur érudit de thrillers sombres, musclés et irrévérencieux.

Pas de chichis sur la chose, pas de cahier de charges contraignant à respecter ! On n'hésite pas à respecter les codes du genre qui sont la noirceur, la violence et le bad-end, soit les trois grandes marques de fabrique qui plairont à ceux lassés des thrillers occidentaux trop sages. Toujours la même antienne ! Aujourd'hui, c'est encore à un nouveau réalisateur, en la personne de Yoon Jong-bin, de bénéficier de nos faveurs avec son Nameless Gangster qui est citée parmi ses oeuvres proéminentes et recommandables. Démarrant sa carrière en 2004 avec un court-métrage nommé Identification Of A Man, il tourne un an plus tard son premier long-métrage appelé The Unforgiven. Il se spécialise alors comme beaucoup dans le thriller et le drame. Toutefois son rythme de sortie est faible puisque l'on ne dénombre que 5 longs-métrages sortis depuis 2005. Le dernier en date, The Spy Gone North, sortant 4 ans après sa dernière réalisation. Il est difficile de savoir si le bonhomme jouit d'une popularité notable dans son pays mais toujours est-il qu'il passe plutôt inaperçu dans nos contrées.
On lui attribue à ses pellicules des notes correctes mais sans plus. Une mention passable, ni plus ni moins. Reste à voir si son Nameless Gangster doit s'auréoler de ce statut à double-tranchant.

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ATTENTION SPOILERS : 1982, Busan. Ik-Hyun est un douanier corrompu menacé d’être viré. Un jour, il découvre un sac plein d’héroïne et cherche à le revendre au Japon, s’associant pour cela avec un gangster, Hyung-Bae. Leur collaboration fonctionne bien, et leur pouvoir s’étend peu à peu sur toute la ville. Mais lorsque quelques années plus tard le gouvernement lance une guerre contre le crime organisé, leurs relations vont devenir plus tendues.

Pour la petite info, le film est aussi appelé Nameless Gangster : Rules of The Time ou encore Bumchoiwaui junjaeng : Nabbeunnomdeul jeonsungshidae (excusez du peu) dans sa version d'origine. Un bonheur à réciter pour les dyslexiques. Bref, à sa sortie, le film reçoit des critiques généralement très favorables et sept prix, dont 6 concernant des acteurs. A fortiori, tout ce qui peut mettre en confiance pour passer un bon moment, sans compter que le film est partiellement basé sur des faits et personnages historiques authentiques qui ont joué un rôle important dans la guerre contre le crime déclarée par l'ancien président Roh Tae-woo qui fut président de la République de Corée de 1988 à 1993. Bien sûr, l'oeuvre ne se veut pas être une reconstitution millimétrée et prend beaucoup de libertés. Jong-bin va nous plonger dans une Corée du Sud peu reluisante et gangrénée par la corruption et les intimidations. Corruption allant s'étendre jusqu'aux carrefours destinés à l'importation et à l'exportation. Un port en l'occurrence. Ik-hyun est l'un de ceux qui a accepté de fermer les yeux sur de potentielles atteintes à la sécurité des coréens en échange d'un pécule non négligeable pour entretenir sa petite famille dans un appartement étroit qui ne peut convenir pour élever 3 enfants.
Bien entendu, il n'est pas le seul mouillé dans cette vaste affaire de pots-de-vin car même son supérieur n'est pas tout blanc dans l'histoire. Le salut viendra de la découverte d'énormes sachets d'héroïne que voulaient obtenir deux malfrats en forçant un container de nuit. Réalisant que sa vie ne lui convient pas, ce petit fonctionnaire véreux va se lancer dans le monde des affaires criminelles. 

Nameless Gangster va alors adopter une tournure scénaristique façon "rise and fall" qui a déjà été vue chez des thaumaturges comme Martin Scorsese ou Ridley Scott. Les Affranchis, Casino ou American Gangster sont autant de métrages dans le même état d'esprit narrant l'ascension d'un homme s'immisçant dans les plus hautes strates criminelles avant que sa chute inéluctable ne lui fasse perdre tout (ou presque). Evidemment, Jong-bin doit se frotter à ces titans vénérés également au-delà des milieux cinéphiles. Il convient alors de changer de paradigme sur la situation présente. Si ce type de récit nous semble déjà vu et revu, si on se place du point de vue coréen, on peut voir qu'il y a peu de films (voire quasiment pas) dans ce style. Notre regard d'occidental s'en trouve vite biaisé à ce niveau mais la nationalité n'excuse de toute façon pas tout. Si nous pouvons formuler quelques hypothèses sur le pourquoi de ce plébiscite national, force est de dire que Nameless Gangster ne peut soutenir la comparaison avec les classiques du "thriller biopic". Attention à ne pas vous imaginer que ce qui va suivre sera une saillie en bonne et due forme car le film se pare tout de même d'arguments tangibles pour inciter son visionnage. Jong-bin se plaît à adopter un certain ton documentaire dans son analyse du milieu gangster.
Si on n'échappe pas à la critique sur la police coréenne pas toujours réputée pour son éthique, il expose certaines règles qu'il s'agit de respecter.

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On s'amuse alors à voir l'allégeance totale des employés de ce monde interlope envers leurs supérieurs à qui ils sont totalement dévoués. Ils leur obéissent aux doigts et à l'oeil et n'hésitent pas à mettre leur vie en jeu si cela peut combler les attentes de leur patron. Ils sont fortement attachés à la notion de respect et de réputation. Chaque erreur peut conduire à des traitements plus ou moins radicaux allant de la remontrance verbale au passage à tabac. Les cyniques (mais réalistes) les compareront à des petits chiens sans charisme qui ouvriraient leur bouche avec sourire pour accueillir l'étron de leur chef dans le but d'obtenir ses faveurs et ses félicitations. Au-delà de ça, on se rend vite compte de l'importance des traditions familiales même quand les acteurs du terrain ont des liens de parenté éloignés. Le respect de la famille est une composante cruciale dans la culture asiatique qui est même respectée dans la sphère illégale. Une règle immuable traversant les temps et toutes les strates sociales.
Cependant, et vous vous en doutez, certains sont tellement pourris jusqu'à la moelle qu'ils n'hésiteront pas à outrepasser pas seulement les règles du milieu mais aussi certaines valeurs élémentaires dans un but opportuniste et d'enrichissement personnel. Même dans ces pays, la mentalité capitaliste a le vent en poupe. Quoi de plus étonnant quand on connaît les liens d'amitié qu'entretient la Corée du Sud avec l'Oncle Sam. 

Le cinéaste nous balade donc dans la vie de ces personnages sans scrupule se plaisant à faire la loi, corrompant les fonctionnaires intègres, alors que la menace du procureur local se fait de plus en plus alarmante. L'étau se resserre sur eux. Ik-hyun veut continuer à évoluer dans le milieu en cherchant à nouer des alliances discutables qui feront voler en éclat la relation de confiance qu'il entretenait avec son allié. Sauf que l'on ne peut que faire la moue devant l'absence d'ambition de l'histoire qui a bien du mal à décoller à de nombreuses reprises, tout en faisant montre de nombreuses zones d'ombre. L'ascension progressive de Ik-hyun est pour ainsi dire éludée car nous le voyons très rapidement au sommet. On ne voit que très peu leurs activités illicites. Cette sensation désagréable d'être dans le flou et de ne pas connaître vraiment ce clan est omniprésente. Un comble pour une plongée dans cet environnement ! Quitte à devoir rallonger le récit d'une petite demi-heure, autant le faire pour exploiter décemment ces deux parties indispensables susmentionnées qui amènent la trame de Nameless Gangster à manquer de consistance et d'identité. Si l'on ne s'emmerde jamais, la montée en puissance est très timide et les plus réfractaires suivront la projection avec un ennui poli.

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Le visuel se retrouvera fort heureusement dans le haut du panier avec une image de grande qualité, lisse, soignée et léchée. Si la manière de manier la caméra n'est pas la plus harmonieuse possible, Nameless Gangster gère convenablement la chose. Une mention est à faire sur le jeu de lumières de très bonne facture. A noter que les plans en intérieur n'étouffent jamais le décor et se montrent tout autant aérés qu'en extérieur. Pour ce qui est de la bande son, c'est correct mais sans que ça n'épate jamais nos oreilles. Enfin, la question des acteurs prêtera à débat sur la prestation du talentueux Choi Min-sik. On apprécie énormément ce personnage arrogant, présomptueux, parlant comme un charretier et jouant au caïd d'opérette imbu de sa personne car il engrange un paquet de thune. La scène où il traitera la femme actionnaire majoritaire, et influente dans le milieu de la pègre de surcroît, d'une boîte de nuit de "grosse p*te" avant de lui cracher dessus vaut son pesant d'or.
En revanche, on ne peut fermer les yeux sur le fait qu'il cabotine parfois un peu trop. Ha Jung-woo se démarque aussi, cachant une personnalité psychopathique sous un masque de calme apparent. La critique aura aussi acclamé Kim Sung-kyun, pourtant assez transparent. Ma Dong-seok, que certains ont pu voir dans l'excellent Dernier Train pour Busan, est de la partie. Le reste se composant de Cho Jin-woong, Kwak Do-won, Kim Hye-eun et Kim Young-sun.

On en arrive ainsi donc à la fin d'un nouveau billet en l'honneur du cinéma coréen qui n'a de cesse d'imposer son emprise de taille sur le petit monde du thriller en lui apportant plus de maturité et de froideur. Il est vrai que Nameless Gangster ne rivalise pas avec les chefs d'oeuvre de son pays tels que I Saw The Devil, Old Boy, A Bittersweet Life, The Chaser ou encore Silenced, et ni avec les thrillers "rise and fall" précédemment mentionnés. Toutefois, ne chions pas dans la soupe en tançant un film qui est tout à fait honorable dans sa finalité. Bourré de bonnes intentions, il tente de décrire du mieux qu'il peut la pègre coréenne. Malheureusement, il fait fi de certains rouages de taille dans le scénario et ne parvient jamais à transcender son sujet alors qu'il y avait de quoi faire vu, en plus, le contexte historique à prendre en compte. Avec une meilleure maîtrise de son sujet et une réelle identité (voire même audace), on aurait été en droit d'accueillir un membre de taille à s'imposer auprès des plus grands. Reste à voir ce qu'il en sera de son dernier long-métrage qui a le mérite de retarder l'échéance de la fin d'une rétrospective de ma part débutant déjà depuis 2015.

 

Note : 13,5/20

 

 

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