Godzilla 2014 Poster

Genre : science-fiction  
Année : 2014
Durée : 2h03

Synopsis : Le physicien Joseph Brody a perdu sa femme il y a 15 ans quand un incident nucléaire a irradié la région de Tokyo. La thèse officielle parle de tremblement de terre mais le scientifique est sceptique et mène son enquête avec son fils Ford, soldat dans la Navy. En fait de catastrophe naturelle, il s'agit plutôt des dégâts d'une créature gigantesque créée à la suite d'essais nucléaires dans le Pacifique. D'autres monstres menacent l'archipel d'Hawaï et la côte Ouest des Etats-Unis. L'armée est mobilisée et menée par l'Amiral William Stenz. Au même moment, la compagne de Ford, infirmière et jeune maman, gère les blessés dans un hôpital de San Francisco... 

 

La critique :

Non, ce n'est pas Godzilla (Ishiro Honda, 1954) qui acte et officialise la naissance du kaiju eiga, mais Le Monstre des Temps Perdus (Eugène Lourié, 1953), soit le long-métrage prodrome en la matière. Par ailleurs, Ishiro Honda lui-même, n'a jamais nié l'influence prédominante de cette série B clinquante et sérénissime. Là aussi, il est question d'une créature gargantuesque réveillée par des radiations nucléaires. C'est pourtant Godzilla qui remportera le précieux pactole, reléguant le beau film d'Eugène Lourié dans les affres de la désuétude. Evidemment, Ishiro Honda n'a jamais renié - non plus - les corrélations immanentes entre sa créature polymorphe et le colosse de Skull Island.
En ce sens, Godzilla peut être légitimement considéré comme le digne légataire de King Kong (Ernest B. Schoedsack et William C. Cooper, 1933), sorti deux décennies plus tôt.

Le kaiju eiga est né et s'inspire à la fois du traumatisme des bombes nucléaires de Nagasaki et d'Hiroshima, ainsi que d'un contexte de Guerre Froide. Le kaiju eiga revêt donc un véritable caractère eschatologique. Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis et la Russie se sont enlisés dans un véritable bourbier militaire. Le capitalisme mercantiliste doit inévitablement avec la faucille et le marteau du communisme. La menace d'une Troisième Guerre mondiale n'est pas seulement putative. Le monde entier vit dans la terreur et la paranoïa. Par sa stature et sa robustesse, Godzilla (le monstre) préfigure cette peur ineffable et pourtant bien réelle.
Contrairement à King Kong et la majorité des films de son époque, Godzilla (le film) ne recourt pas à la technique de la stop-motion (image par image) pour faire prévaloir son monstre voluptuaire. 

godzilla-001

 

Faute de budget, Ishiro Honda fait appel à un comédien pour incarner le monstre sévèrement courroucé. Ce dernier évolue au sein d'une maquette grandeur nature, censée représenter une capitale (Tokyo) amorphe et en déliquescence. Telle est, par ailleurs, la définition du kaiju eiga, à savoir "un genre de film japonais qui emploie des maquettes de villes en carton et des acteurs costumés en grands monstres de latex" (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Kaij%C5%AB). En raison de son succès inopiné, Godzilla premier du nom inspire toute une pléthore d'épigones.
Les thuriféraires de ce sous-registre du cinéma d'exploitation n'omettront pas de stipuler des oeuvres telles que Rodan (Ishiro Honda, 1956), Mothra (Ishiro Honda, 1961), Varan, le monstre géant (Ishiro Honda, 1958), Gorgo (Eugène Lourié, 1961), Gamera (Noriaki Yuasua, 1965), Invasion Planète X (Ishiro Honda, 1965), ou encore La Guerre des Monstres (Ishiro Honda, 1966) par les longs-métrages notables et éventuellement notoires.

Corrélativement, le film d'Ishiro Honda se transmute en franchise tautologique et lucrative. Ainsi, toute une litanie de suites consécutives et soporatives seront produites dans la foulée, entre autres Le Retour de Godzilla (Motoyoshi Oda, 1955), Godzilla, king of the monsters ! (Ishiro Honda et Terry, 1956), l'inénarrable King Kong contre Godzilla (Ishiro Honda, 1962), Mothra contre Godzilla (Ishiro Honda, 1964), Le fils de Godzilla (Jun Fukuda, 1967), Godzilla's Revenge (Ishiro Honda, 1969), ou encore Godzilla vs Megalon (Jun Fukuda, 1973), pour ne mentionner que celles-là. Le mythe de Godzilla s'inscrit donc dans la culture populaire, et pas seulement dans les contrées du pays du Soleil Levant. Le métrage d'Ishiro Honda s'expatrie au-delà de ses frontières.
Preuve en est. Bien des décennies plus tard, Roland Emmerich signe un remake éponyme. 

images

Hélas, Godzilla (la version de 1998) ne laisse pas spécialement des réminiscences indélébiles, loin de là. Les laudateurs de longue date évoquent même un petit nanar avarié. Pendant longtemps, les producteurs avides et cupides laisseront planer le doute sur une trilogie. Mais la colère gronde parmi les aficionados de la première heure. Une nouvelle version est en préparation et passe entre les mains de divers cacographes. Frank Darabont effectue quelques retouches de dernière minute à un script griffonné à la fois par David S. Goyer, Max Borenstein et David Callaham.
Ce nouveau remake - ou plutôt reboot - est censé itérer l'esprit mythologique de jadis. Prévu pour sortir en 2010 ou 2011, le tournage de Godzilla est différé en raison de la catastrophe nucléaire de Fukushima (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Godzilla_(film,_2014).

La réalisation de ce remake (enfin... reboot...) est alors confiée à l'érudition de Gareth Edwards, un metteur en scène qui a déjà prouvé son omniscience avec l'étonnant Monsters (2010), un autre keiju eiga. En outre, cette ixième version remplit doctement son office en toisant les firmaments du box-office américain. La guerre des monstres ne fait que commencer à Hollywood puisqu'une suite, Godzilla 2 - Roi des Monstres (Michael Dougherty, 2019), sera produite quelques années plus tard. Le phénomène Godzilla, désormais sous l'égide de l'Oncle Sam, n'est pas prêt de s'estomper.
Reste à savoir si ce nouveau remake justifie - ou non - son visionnage. Réponse à venir dans les lignes de cette chronique... La distribution du film se compose d'Aaron Taylor-Johnson, Ken Watanabe, Elizabeth Olsen, Bryan Cranston, Juliette Binoche, David Strathairn, Sally Hawkins, Richard T. Jones et Victor Rasuk.

Attention, SPOILERS ! Le physicien Joseph Brody a perdu sa femme il y a 15 ans quand un incident nucléaire a irradié la région de Tokyo. La thèse officielle parle de tremblement de terre mais le scientifique est sceptique et mène son enquête avec son fils Ford, soldat dans la Navy. En fait de catastrophe naturelle, il s'agit plutôt des dégâts d'une créature gigantesque créée à la suite d'essais nucléaires dans le Pacifique. D'autres monstres menacent l'archipel d'Hawaï et la côte Ouest des Etats-Unis. L'armée est mobilisée et menée par l'Amiral William Stenz.
Au même moment, la compagne de Ford, infirmière et jeune maman, gère les blessés dans un hôpital de San Francisco... Autant l'annoncer sans ambages. 
Godzilla (version 2014) est amplement supérieur au remake (reboot...) catastrophique de Roland Emmerich. 

maxresdefault-2

Désormais transmué en blockbuster, la célèbre créature dévaste tout sur son passage et est sommée de s'empoigner avec d'autres monstres dolichocéphales. Indubitablement, le spectacle est au rendez-vous et Godzilla (2014) remplit doctement sa gageure d'énorme blockbuster décérébré. En sus, le public, friand de ce genre de belligérances, s'amoncelle dans les salles obscures. Dans les années à venir, il faut s'attendre à voir pulluler de nouvelles aventures titanesques. Que soit. Il faut reconnaître à Gareth Edwards une véritable polymathie en matière de mise en scène.
Chaque apparition de Godzilla ou d'imposants reptiliens est magnifiée par le metteur en scène en verve. Hélas, le film pâtit de son scénario, plutôt pingre et famélique pour l'occasion. Le didactisme du nucléaire et de la menace atomique est expressément jeté dans les affres des oubliettes.

Non, Godzilla (2014) n'a pas pour aspérité d'épouser les rudiments et les linéaments du film métaphorique, loin de là. Mais au moins, cette nouvelle version tente de préempter ses protagonistes humains. Peine perdue. C'est bien Godzilla, le monstre plantureux de ce blockbuster, qui reste la vedette somptuaire. Contre toute attente, la créature est plutôt discrète lors de la première segmentation du film. Nonobstant son étiquette de production hollywoodienne, Godzilla (2014) respecte allègrement le cahier des charges et n'a rien à envier à la majorité des kaiju eiga.
Par moment, le long-métrage ré
itère même les fulgurations du classique d'Ishiro Honda. A défaut de faire ciller cette oeuvre munificente, le Godzilla de Gareth Edwards devrait logiquement flagorner les louangeurs de longue date. Il faut bien le reconnaître. On n'en attendait pas autant de ce genre de blockbuster opulent, suffisamment philanthrope et probant pour satisfaire son audimat. Les amoureux de kaiju eiga seront donc en terrain connu et quasiment conquis. Mieux, Godzilla tente désormais d'élargir son public et de s'ouvrir vers de nouveaux horizons. Mais gare à l'écueil de la surenchère...

 

 

Note : 13.5/20

 

sparklehorse2 Alice In Oliver