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Genre : Drame, historique, biopic

Année : 2012

Durée : 2h

 

Synopsis :

 

Le 25 novembre 1970, un homme s’est donné la mort dans le quartier général du commandement de l’armée japonaise à Tokyo. Il laissait derrière lui une longue liste de chefs-d’œuvre littéraires et une controverse qui ne s’est jamais éteinte. Cet homme s’appelait Yukio Mishima, un des romanciers les plus célèbres et les plus respectés du Japon. Avec quatre membres de son armée personnelle, la Tatenokai, Mishima avait pris en otage le commandant du quartier général. S’adressant aux soldats rassemblés dans la cour, il leur demanda de l’aider à renverser le régime et restaurer le pouvoir de l’Empereur. Lorsque les soldats commencèrent à se moquer de lui, il interrompit son discours et se retira dans le bureau du commandant pour commettre le seppuku, le suicide rituel du samouraï, en s’ouvrant le ventre avant d’être décapité par un de ses hommes. Que voulait exprimer Mishima à travers ses derniers actes ? Qu’a-t-il vu avant de mourir ?

 

La critique :

Nous y voilà enfin arrivé ! A tous nos fidèles (s'ils existent) lassés, vous pouvez enfin souffler car en ce jour a lieu le tout dernier segment de notre chère rétrospective dédiée à l'enfant terrible du cinéma japonais qui est *roulements de tambour* Koji Wakamatsu. Nul doute que nous tenons et tiendrons certainement là le cinéaste le plus en vogue de Cinéma Choc avec, désormais, 17 longs-métrages chroniqués. Un record qui ne sera, je pense, pas pulvérisé ! L'ironie étant qu'une grande partie de sa filmographie nous est toujours inaccessible. Qu'à cela ne tienne, beaucoup de choses ont été déjà dites, souvent ressassées mais toujours avec cette même dextérité et une approche systématiquement différente qui n'entretient jamais une impression de redondance. Faut-il encore procéder à l'exégèse du bonhomme et du milieu dans lequel il évolue ? Pour un dernier billet lui étant consacré, nous pouvons procéder à quelques petites exceptions. Mauvais élève et yakuza de conviction, on ne peut pas dire que de bonnes bases étaient posées pour un futur épanouissant. N'ayant jamais caché sa sympathie et son adhésion aux grands mouvements politiques de gauche, il bouscula, dérangea l'ordre établi en s'intéressant de plus en plus au cinéma, allant jusqu'à quitter le milieu trouble où il évoluait.
Mais pas un cinéma classique dans son approche ! Non, cela sera un style engagé, analysant étroitement et métaphoriquement les troubles socio-économiques du Japon de la fin des années 60, marqué par de très fortes tensions sociales. 

Démarrant dans la plus totale confidentialité résumée à son pays, il parvint à s'acquérir une réputation à l'internationale avec un scandale diplomatique découlant de Les Secrets derrière le Mur. Pour la première fois, les cinéphiles hors Japon découvrent le pinku-eiga, un courant novateur, sans réel équivalent cinématographique, créé par les grandes sociétés de production, parmi lesquels la Nikkatsu, en réaction à l'ingérence de la TV dans les foyers. Mêlant érotisme, violence et dénonciation politique, Wakamatsu ne laisse pas indifférent, tout en étant paradoxalement et toujours actuellement mésestimé et ce, malgré son cachet de l'un des plus grands réalisateurs japonais.
Il n'y a qu'à voir le désespérant manque d'intérêt dans les commentaires pour s'en rendre compte. Des titres aussi corrosifs que Quand l'Embryon part braconner, L'Extase des Anges, Va va Vierge pour la Deuxième Fois ou United Red Army ont pu lui permettre de se forger un minimum d'aura planant encore dans les cercles thuriféraires du Septième Art asiatique. Un dernier bastion qui ne l'a pas encore oublié et/ou dénigré, toujours marqué par sa mort aussi brutale qu'inattendue, percuté par un taxi dans le quartier de Shinjuku après une réunion consacrée au budget de son prochain film sur le lobby nucléaire et la compagnie électrique Tepco. L'ironie du sort quand on connaît l'histoire de cette zone de la mégalopole tokyoïte. Le contexte de la mort n'a pas manqué de stimuler le débat, certains accusant un assassinat fomenté par les institutions qu'il allait attaquer. Assassinat ou mort accidentelle, toujours est-il qu'elle se produisit quelques mois après le titre à rallonge nommé 25 Novembre 1970, le jour où Mishima choisit son destin.

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ATTENTION SPOILERS : Le 25 novembre 1970, un homme s’est donné la mort dans le quartier général du commandement de l’armée japonaise à Tokyo. Il laissait derrière lui une longue liste de chefs-d’œuvre littéraires et une controverse qui ne s’est jamais éteinte. Cet homme s’appelait Yukio Mishima, un des romanciers les plus célèbres et les plus respectés du Japon. Avec quatre membres de son armée personnelle, la Tatenokai, Mishima avait pris en otage le commandant du quartier général. S’adressant aux soldats rassemblés dans la cour, il leur demanda de l’aider à renverser le régime et restaurer le pouvoir de l’Empereur. Lorsque les soldats commencèrent à se moquer de lui, il interrompit son discours et se retira dans le bureau du commandant pour commettre le seppuku, le suicide rituel du samouraï, en s’ouvrant le ventre avant d’être décapité par un de ses hommes. Que voulait exprimer Mishima à travers ses derniers actes ? Qu’a-t-il vu avant de mourir ?

Pour la petite information, ce film n'est pas le dernier attesté de sa filmographie car The Millennial Rapture sortit quelques mois après. Hélas, il ne sera jamais diffusé chez nous, et pour le téléchargement, on peut aller se faire voir chez les grecs. Ce 25 Novembre 1970 (vous m'excuserez de ne pas taper le nom complet à chaque fois) reste son dernier produit qui nous est accessible. Question existentielle ? Pourrons-nous nous enorgueillir d'une oeuvre aussi luxueuse que ses légendaires pinku eiga ? Point d'importance qui en surprendra plus d'un, il n'est plus question de nous focaliser sur les mouvements étudiants gauchistes, le marxisme, le communisme et autres courants politiques. Wakamatsu prend tout le monde de court en parlant de la jeunesse conservatrice, d'extrême droite si l'on peut dire, glorifiant l'Empereur tout puissant et sa figure divine. Amoureuse de sa patrie, de sa langue, de son histoire et de son nationalisme ethnique, elle promeut une allégeance envers l'ordre impérial.
Aussi étonnamment qu'il puisse paraître, elle épouse pourtant la cause gauchiste rejetant et vitupérant l'hégémonie américaine. Une puissante révulsion anticapitaliste et anticonsumériste qui rejoint les idéaux marxistes sauf que les dissensions ne se feront que sur la question de l'Empereur que la gauche veut démolir en refondant des bases nouvelles et, dans leur vision des choses, plus saines pour le Japon futur.

Un point qui ne passera pas dans ce débat d'idées entre le progressisme et le conservatisme. L'écrivain Mishima souhaitant les rejoindre s'ils reconnaissaient la figure impériale. Malheureusement, une fracture interne existe au sein de cette nouvelle génération. Chose qui n'avait pas été abordée dans les pinku-eiga. Une riche idée qui permet à Wakamatsu de voguer vers d'autres horizons et de scruter plus en profondeur la psychologie des fidèles de l'Empereur. Bien qu'il soit de gauche, le cinéaste ne verse pour autant pas dans le manichéisme, la relecture trop facile, orientée et subjective. Il tient à humaniser ses personnages en les dessinant comme des jeunes qui ne diffèrent pas tant que ça de la mouvance gauchiste. Eux aussi sont guidés par un idéal, prêts à faire la révolution pour défendre leurs idées, leur idéologie. Conserver l'identité japonaise et sa "race" est au centre de leur programme. Je renvoie à la notion de nationalisme ethnique précédemment mentionné. 
Cette vision qui ferait bondir notre société occidentale actuelle était pourtant la norme à l'époque. Ce populisme était partie intégrante et était surtout véhiculé par un pouvoir tout puissant. Il n'est donc pas question de bouleverser les conventions qui étaient nationalistes. C'était plutôt la gauche progressiste qui était en marge des lois.

 

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Dévoilant une face touchante des protagonistes, Wakamatsu les exhibe comme des jeunes garçons innocents, persuadés que leur cause est la bonne. Ils ne cultivent pas le culte de la violence et de la barbarie absurdes, même s'ils ont mis sur pied une milice. Toutefois, dans ce climat d'insurrection, l'action singulière menée par Mishima peine à se faire entendre. Son projet ne galvanise pas suffisamment les foules, apparaît d'emblée comme dérisoire, tué dans l'oeuf, sans ne jamais représenter une quelconque menace pour le pouvoir en place. Il apparaît que tout n'est que chimères, ce que confirmera le dernier chapitre voyant le suicide de Mishima par seppuku, réalisant que son action n'a mené à rien de concret, que tout ce en quoi il avait cru n'a pu se concrétiser.
Qu'a-t-il vu ? Ni plus ni moins que son propre échec, le pessimisme d'un Japon dans lequel il ne se reconnaîtra plus, préférant devenir un martyre qu'un homme condamné à subir le système. Nul doute qu'un tel projet, entre les mains de réalisateurs peu scrupuleux, aurait pu tourner à la déconfiture s'ils avaient décidé de bien faire part de leurs opinions personnelles en les faisant dégouliner par tous les pores de la pellicule. La pondération est de mise pour notre plus grand bonheur.

Néanmoins, et c'est là que la chronique devient nettement moins fun, tout cela ne peut occulter les énormes tares qui font de ce 25 Novembre 1970 un film foncièrement décevant. Le problème majeur provient bien d'un mauvais rythme léthargique suivant les longues facondes de chacun. Wakamatsu a toutes les peines du monde à faire décoller son récit qui ne prendra de l'ampleur que durant le débat et la dernière séquence. Le reste ne suscite ni plus ni moins qu'un ennui poli, une fadeur déroutante qui ne surprend jamais. De plus, le récit manque cruellement de consistance, semblant trop naviguer en surface sans creuser toujours plus. On retrouve toujours les images d'archives relatant les bagarres urbaines, les manifestations et arrestations musclées qui font leur petit effet.
Une observation qui relève sensiblement le niveau d'un métrage bas de gamme dans son atmosphère et son intensité qui n'en est pas une. Certains risqueront fortement de voir passer la durée d'approximativement 2 heures.

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Comme on s'y attendait, le pinku-eiga est définitivement de l'histoire ancienne et pareillement pour le noir et blanc. Ce n'est pas un problème en soit. On ne peut pas rester tout le temps figé dans le passé, coincé dans le charme d'antan. Sauf que l'esthétique n'arrive pas à bercer nos rétines. On est dans quelque chose de très commun avec une colorimétrie très moyenne, des décors rudimentaires et un manque de plans aérés. On se demande un peu comment un maestro du visuel minimaliste a chuté à ce point. Après, je ne dis pas que c'est dégueulasse, irregardable mais ça ne vole vraiment pas haut. Exit aussi comme pour les deux derniers films chroniqués à sa monumentale partition jazzy pour dévier sur du classique. Ca fonctionne bien mais nous ne sommes pas du tout au même niveau.
Enfin, pour un film qui se veut être un biopic, on arrive très difficilement à accrocher aux personnages. Leur interprétation en dents-de-scie ne permet pas de les complexifier, de les travailler en profondeur. On reste encore sur quelque chose de superficiel. Nous les citerons quand même avec Arata Iura, Shinnosuke Mitsushima, Takatsugu Iwama, Tasuku Nagaoka, Suzunosuke, Soran Tamoto, Shinobu Terajima et Kiyohiko Shibukawa.

En conclusion, ma déception est de taille quand je me remémore tout le plaisir que j'ai éprouvé dans cette rétrospective pour se terminer sur quelque chose d'aussi faiblard et insipide. Non pas que les idées scénaristiques et le contexte soient mauvais, loin de là, mais que le traitement soit à ce point bateau, semblant avoir été placé entre les mains d'un réalisateur bidon et sans conviction quelconque. Un faux pas qui a pour grand responsable sa mise en scène frôlant le mauvais et la platitude de sa trame qui nous fait nous questionner sur le moment à partir duquel l'histoire commencera. On pourrait imputer ça à ses 76 ans qui lui ont fait perdre toute sa virulence. Il est vrai que Wakamatsu n'est plus un témoin direct comme il l'était dans les années 60-70.
A l'instar de United Red Army, 25 Novembre 1970 a plus un but d'enseignement du passé aux jeunes mais pour un résultat peu flatteur. Finir sa talentueuse carrière par un faux pas en guise d'avant-dernier film n'est pas le plus séduisant. Cependant, on se souviendra d'un démiurge qui bouscula avec panache les codes du Septième Art, prouvant à tous que l'on peut mélanger l'érotisme, le sadisme et le message politique. Pour ma part, je vous conseillerai de faire l'impasse sur ce 25 Novembre 1970, le jour où Mishima choisit son destin. Pour votre destin de cinéphile, choisissez plutôt un bon pinku-eiga à l'ancienne.

 

Note : 10,5/20

 

 

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