Une_hache_pour_la_lune_de_miel

Genre : Thriller, fantastique, giallo (interdit aux - 12 ans)

Année : 1970

Durée : 1h28

 

Synopsis :

Un homme se sent incapable de contrôler ses pulsions, qui le poussent à vouloir tuer de jeunes femmes revêtues de leur robe de mariée.

 

La critique :

Encore un giallo tout frais tout chaud offert avec amour ! Vous en avez de la chance, bande de petits veinards ! Oui cela fait maintenant depuis plusieurs semaines que Cinéma Choc, outre son titanesque cycle dédié aux shockumentaries par l'érudition d'Alice In Oliver, vous accable de toute une litanie de ce genre tombé en désuétude qui est le giallo. Et ça n'est pas près de se finir même s'il semblerait que, à l'instar du Covid-19, je sois arrivé à une timide phase de stagnation. Je ne donnerai pas de nombre exact mais vos prochaines semaines seront encore parasitées par cela. Vous pouvez me faire confiance là-dessus ! Bref, ce que l'on peut définir comme le thriller policier à l'italienne eut un énorme succès, engendrant pléthore de créations de qualité allant de l'excellent au médiocre.
Il s'agissait pour le public de fuir les créations grand public plus timorées des légendes vivantes du cinéma transalpin. Se plonger dans des histoires de crime perpétrées par des serial-killer tout aussi dérangés les uns que les autres étaient un petit plaisir coupable pour beaucoup.

Commettrons-nous l'offense de revenir sur l'exégèse du genre ? Il le faudra bien mais tout du moins les grandes lignes, vu que nous avons plus d'une fois ratiociné par le passé. L'on attribue alors la naissance du giallo à Mario Bava qui devint, par la logique des choses, l'une de ses égéries. Avec La Fille qui en savait trop, la population faisait la connaissance de l'oeuvre fondatrice du giallo, vite secondée l'année suivante par Six Femmes pour l'Assassin qui allait introduire le meurtrier masqué tenant une arme argentée dans sa main gantée de noir. Un élément édificateur du genre qui propulsera le style jusqu'à des sommets qui n'avaient pas été envisagés, je pense, par Bava.
Par le passé, Cinéma Choc s'est bien évidemment évertué à le mettre en lumière à plus d'une reprise, que cela passa par le giallo (La Fille qui en savait trop, Six Femmes pour l'Assassin, La Baie Sanglante) ou l'horreur/fantastique avec La Planète des Vampires. Seul Les Trois Visages de la Peur était un peu à part car il partageait en tant qu'anthologie les codes de l'un et de l'autre. Une petite entorse à la règle numéro 1 de ma rétrospective qui ne se reproduira plus. Un sixième long-métrage du "maître du giallo" avec Une Hache pour la lune de miel.

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ATTENTION SPOILERS : Un homme se sent incapable de contrôler ses pulsions, qui le poussent à vouloir tuer de jeunes femmes revêtues de leur robe de mariée.

Sorti sept années après la naissance officielle du giallo, celle-ci reste toutefois encore timide et n'explosera véritablement que dans les premières années de la décennie 1970. Mais déjà des figures incontournables comme Dario Argento, Umberto Lenzi, Lucio Fulci et Massimo Dallamano s'y sont déjà essayés. Ces plusieurs années de mise en parenthèse du giallo font qu'Une Hache pour la lune de miel est en quelque sorte un renouveau pour Bava, une maturation de son travail passé. Nous sommes ici quelques temps avant que l'immense succès de La Baie Sanglante ne défraie le Septième Art transalpin. De manière incompréhensible, le long-métrage d'aujourd'hui a longtemps été appelé La Baie Sanglante 2 alors qu'il n'a absolument pas le moindre pet de rapport avec son petit-frère en devenir. L'intrigue malicieuse surprend déjà le cinéphile car au tueur masqué de Six Femmes pour Assassin se succède l'assassin démasqué et identifié après quelques minutes à peine.
Une pirouette de taille pour ce géniteur qui casse les codes qu'il avait créé en faisant de son psychopathe le personnage central. Un anti-héros totalement assumé qui se confiera en voix-off, expliquant le plus naturellement du monde sa folie et ses vices. Doté d'une grande intelligence, il a une passion frénétique pour les robes de mariée qui font germer en lui des pulsions de mort quand une femme en porte une. 

Ce fétichisme morbide renvoie directement à un trauma subi dans son enfance et en rapport avec sa mère. En développant cet assassin, Bava fait que nous avons un regard différent sur cet homme. En chaque être, il y a des cicatrices et suivant le nombre et la profondeur de celles-ci, cela peut déboucher sur des comportements plus ou moins inquiétants et/ou plus ou moins graves. Le tueur devient victime de ce que l'on peut décrire comme des antécédents passés sur lesquels il n'arrive pas à avoir la moindre emprise. Le problème est avant tout psychologique. Une Hache pour la lune de miel peut se scinder en deux parties bien distinctes. La première nous fait suivre le quotidien de ce bellâtre, gestionnaire d'une maison de couture spécialisée dans... les robes de mariée.
Mariée à une femme que l'on soupçonne être issue de la bourgeoisie, il semble s'être plus intéressé à sa fortune qu'à elle-même. Sourire ravissant de Don Juan, on lui donnerait le Bon Dieu en personne avant qu'il ne tue sauvagement ses victimes avec une feuille de boucher (et pas une hache !) pour les balancer à l'incinérateur. Ecologique, il se servira des cendres comme engrais. Il peut alors compter sur sa chance pour, à chaque fois, fausser les pistes d'un inspecteur un tout petit peu trop curieux. Au cours d'une dispute de ménage, l'assassinat de sa femme, dans une séquence d'une intensité inouïe, laissera la place à la seconde partie.

 

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Là encore, Bava retourne ses spectateurs comme une crêpe puisqu'Une Hache pour la lune de miel se transmue en oeuvre fantastique. John Harrington, tourmenté par le fantôme de sa femme, commence à basculer peu à peu dans la folie. On se questionne sans cesse sur cette provenance spectrale. Est-elle le fruit de son imagination ou une manifestation surnaturelle ? Y aurait-il un hypothétique sentiment de culpabilité sachant que c'est sa femme qui lui a permis d'en arriver là où il est ? Nous serons dans un flou permanent, empli de non-dits qui obscurciront à jamais la psyché de John. Si le mystère semblait se lever, ce n'était qu'un leurre car de nouvelles interrogations se sont rajoutées. On apprécie grandement de naviguer dans l'inconnu, sans ne savoir se rattacher à quoi que ce soit. Bava n'a rien perdu de sa superbe, additionnant quelques passages dantesques.
La visite de l'inspecteur une ou deux minutes après le meurtre de l'épouse est la plus représentative. L'ajout d'une séquence de Les Trois Visages de la Peur à la télévision pour masquer son crime fut aussi une très bonne trouvaille. On ne peut réfuter l'inventivité de son créateur.

On le félicitera aussi pour son visuel admirable qui rappelle bien évidemment Six Femmes pour l'Assassin qui se déroulait là aussi dans une maison de couture. L'omniprésence des robes de mariée sur des mannequins en bois confère un charme irréel aux lieux. Les éclairages créent un environnement rassurant de prime abord. Il n'y a pas ce ressenti d'austérité que nous rencontrons dans des giallos où bâtisses abandonnées et entrepôts désaffectés sont des acteurs de premier plan. La mise en scène multiplie les gros plans se rapprochant soudainement de loin vers les yeux des personnages. Une technique payante. La bande-son restera aussi dans une appréciation très positive. Mention aux musiques classiques qui seront la dernière danse des femmes superbement vêtues.
D'ailleurs, parlons maintenant du casting qui voient la plupart se débrouiller avec les honneurs. La belle gueule de Stephen Forsyth mérite le respect dans son jeu toujours juste. Laura Betti n'est ni plus ni moins que fabuleuse, elle et ses yeux perçants. On nommera aussi Dagmar Lassender, Jesus Puente, Femi Benussi, Antonia Mas, Luciano Pigozzi et Gérard Tichy.

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Cette énième réussite de Mario Bava prouve à tout le monde qu'il n'aura pas volé sa noble réputation. Un peu laissé de côté face à ses grands classiques, il ne faudrait pour autant pas oublier qu'Une Hache pour la lune de miel a de solides arguments dans sa besace pour justifier son visionnage. Un concept original et dépaysant et un grand travail d'atmosphère sont ce qui ressort le plus. Je soupçonne d'ailleurs Franck Khalfoun de s'être bien inspiré de ce long-métrage pour son remake de Maniac tant les points de concordance sont nombreux, sans que ça ne verse heureusement dans un plagiat éhonté. On tient ici un giallo à positionner dans le haut du panier du genre, attachant et bourré de bonnes intentions. Quelques maladresses seront à prévoir et la fin aurait mérité un bien meilleur traitement. Mais pas d'inquiétudes, pour peu que vous aimiez le thriller policier, vous serez en mesure de savourer cette aventure Hitchcockienne bien aiguisée.

 

Note : 14,5/20

 

 

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