Torso

Genre : Thriller, horreur, giallo (interdit aux - 16 ans)

Année : 1973

Durée : 1h29

 

Synopsis :

Partie étudier en Italie, la vie de Jane, une américaine, devient moins paisible à partir du moment où une série de meurtres commence sur le campus.

 

La critique :

Je reconnais avoir été un peu crapuleux dans mon enchaînement de chroniques ici présent. A vous qui bouffez depuis un petit temps cette longue et éprouvante rétrospective loin d'être terminée, vous êtes toujours heureux d'une petite pause entre chacune de mes pellicules. Alors je me repens et m'excuse d'avance pour vous infliger deux gialli d'affilée. Souriez, car la bonne nouvelle est que la cadence s'est momentanément accélérée d'un chouïa. Car aux esprits qui ont commis l'erreur impardonnable de ne pas nous avoir connu jusqu'alors, vous n'êtes pas sans savoir que je me (et par conséquent le blog aussi) polarise sur un long et très ambitieux cycle consacré à un courant, dans son essence, transalpin qui a démarré vers la fin des années 60 pour prendre véritablement son envol dès le début des années 70 avec une litanie de pellicules débarquant sur un marché parallèle aux Fellini, Antonioni, Visconti et consorts. Ayant connu un très grand succès pour les amateurs qui recherchaient des sensations fortes, certains réalisateurs ont réussi à se faire un nom, devenant au fur et à mesure du temps des piliers majeurs de ce style qui peut se traduire par le thriller policier à l'italienne.

Réitèrerais-je l'offense de vous casser encore les cou***** en vous le décrivant un minimum ? Il le faudra bien si je veux que mon billet aille un peu plus loin que le torchon écrit. Pour faire simple, le giallo mêle activement le policier, l'horreur et parfois une bonne dose d'érotisme pour les plus filous. La naissance officielle a lieu avec Mario Bava et son La Fille qui en savait trop, reconnu comme l'oeuvre fondatrice du genre. L'année suivante, Six Femmes pour Assassin introduit le meurtrier masqué tenant une arme blanche dans sa main gantée de noir. Avec cette pellicule, le giallo possède tous les éléments qui seront repris par un bien grand nombre parmi lesquels Dario Argento, Massimo Dallamano, Umberto Lenzi, Aldo Lado ou Paolo Cavara.
Et c'est une fois de plus à Sergio Martino de nous gratifier de son honorable présence, déchaînant les passions en bien ou en mal. A l'origine de nanars de haute voltige qui l'amenèrent à recevoir en pleine tronche moqueries, quolibets et autres acrimonies, il put aussi recevoir les congratulations de circonstance avec ses précieux gialli parmi lesquels ce que j'ai sottement appelé sa Trilogie du Vice, ainsi que le super La Queue du Scorpion dernièrement présenté. Je n'aurais pu finaliser son épopée sans vous parler de son dernier giallo (si je ne m'abuse) au nom agressif qui est Torso. Un sacré client qui m'aura donné du fil à retordre pour tomber dessus et le visionner, le sous-titrage étant une horreur. Et je pèse mes mots !

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ATTENTION SPOILERS : Partie étudier en Italie, la vie de Jane, une américaine, devient moins paisible à partir du moment où une série de meurtres commence sur le campus.

Chez les amateurs patentés du giallo, Torso est un produit très prisé qui a su s'immiscer comme un incontournable, voire même une oeuvre culte. Certains allant jusqu'à dire qu'il s'agit là du sommet de Sergio Martino. Il était impensable qu'un tel titre ne se retrouve pas dans les colonnes éparses de Cinéma Choc et encore moins dans une rétrospective de taille plutôt honorable, compte tenu de mon salaire inexistant d'étudiant fauché qui préfère taper son argent de poche dans l'alcool en soirée, dans les vacances et dans les BD, mais je m'égare. L'intrigue de Torso repose sur un script rudimentaire voyant une ville étudiante italienne frappée d'une série de meurtres sauvages. La police n'arrive pas à trouver l'insaisissable coupable. Le seul indice laissé par l'agresseur étant un bout de tissu de couleur rouge et noir provenant d'une écharpe. Pour Dani, l'une de ses amies, elle a déjà vu cette écharpe mais ne parvient plus à retrouver sa provenance, tandis que l'étau se resserre sur Jane et ses amies.
Difficile que de ne pas être attiré par ce sympathique récit qui m'aurait probablement laissé de marbre il y a trois ans lorsque le giallo ne m'avait pas encore convaincu. La ville historique de Pérouse fascine, en même temps que son université d'architecture d'une lointaine époque passée où Jane y étudie l'histoire de la peinture italienne. Reste à voir pour trouver un boulot après obtention du diplôme ! 

Qu'on se le dise, la première partie est remarquable. Le décor est planté et, après l'exécution brutale d'un couple qui se plaisait à se faire des petits mamours dans une voiture, le cinéphile aura le privilège de sombrer dans une histoire torturée et maligne à plus d'un titre. A l'instar de La Queue du Scorpion, nos doutes sur l'identité du meurtrier sont annihilés les uns après les autres. La tension palpable galvanise l'intérêt du cinéphile qui tient à connaître le fin mot de toute cette histoire. Martino, pour amplifier la pression, laisse apparaître une profonde personnalité psychopathique tenant son origine dans une situation subie durant l'enfance qui a eu pour cause de comparer les femmes à d'inquiétantes poupées qu'il se plaît à détruire. En nous faisant rentrer dans sa psyché, le cinéaste nous permet d'en apprendre un peu plus sur ses motivations, son modus operandi.
Une image récurrente est bien sûr deux doigts traversant les yeux d'une poupée. Cette vision se réfère-t-elle au fait que celles qui étaient présentes ce fameux jour de l'accident ont vu alors qu'elles n'auraient pas dû ? La question mérite d'être posée. Grâce à ce procédé, Torso peut compter sur un serial killer bien vivant, énigmatique et indirectement charismatique.

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Celui-ci qui ne fait montre d'aucune pitié exécute avec une froideur rare celles qui se trouveront en travers de leur chemin. La meilleure séquence étant la fuite éperdue d'une copine de Jane dans une forêt boueuse parasitée par le brouillard. Mise en scène de manière sublime, on tient probablement l'un des meilleurs meurtres de l'histoire du giallo. Après cette première partie efficace, il est temps de faire place à la seconde qui versera dans le slasher avant l'heure avec son lot d'amputations et un florilège de corps féminins dénudés n'hésitant pas à verser dans des rapports sexuels lesbiens. Martino, en bon petit filou, confirme une fois de plus son amour total pour la libération sexuelle.
Cette période décomplexée cassait avec le puritanisme de jadis. Les femmes pouvaient enfin exhiber et être fières de leur corps. En repoussant à ce point la dimension érotique, cela a pour cause de frapper Torso d'une interdiction aux moins de 16 ans. De toute façon, l'emploi méthodique de la scie pour découper les corps aurait eu raison aussi de cette animadversion, quoique les séquences soient bien moins complaisantes que les slashers d'aujourd'hui. Le voyeurisme n'est pas d'actualité et les rapides plans se feront sur des membres précis. La vulgarité, l'obscène et le manque d'élégance sont écartés sans faire disparaître le macabre.

Nous féliciterons la très belle photographie qui nous permet de contempler les beaux décors italiens allant des rues oppressantes de Pérouse à la campagne. Le travail sur les éclairages est admirable. En revanche, aucune fulgurance graphique ne sera de mise. Oubliez les quelques courtes séquences à la colorimétrie pop-art. On est sur du classique, ce qui n'est pas dérangeant, je précise. On reconnaît certains codes du giallo et notamment ces gros plans rapides sur les yeux des protagonistes dans les situations de crise. Qui plus est, magnanime, Martino nous laissera contempler les scènes de tuerie et les cadavres post-mortem. On a ce qu'il faut ! Pour la trame sonore, on retrouve toujours une grande maîtrise de cette composante indispensable pour un giallo réussi.
Généralement glauque, elle s'intègre à l'atmosphère nébuleuse du titre. Pour finir, on peut compter sur un casting solide où se côtoient hommes mystérieux et femmes aux courbes plantureuses. Nous gratifierons de leur présence Suzy Kendall, Tina Aumont, Luc Merenda, John Richardson, Roberto Bisacco, Ernesto Colli, Angela Covello et Carla Brait.

 

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C'est avec un immense plaisir que je clôture l'épopée Sergio Martino sur Cinéma Choc via un cru hautement recommandable du giallo qui n'a pas usurpé son indéboulonnable réputation chez les thuriféraires. Le transalpin, souvent reconnu pour ses pellicules nullissimes, a, je pense, mis tout le monde d'accord en signant l'un des meilleurs thrillers policiers des années 70, riche en intensité, en action et en moments forts. Si je pensais ne pas achever le tout avec une qualité similaire à La Queue du Scorpion, je fus pris de court avec un Torso rivalisant sans sourciller avec son aîné.
S'il est indéniable qu'il est plus généreux sur le sang et la barbarie, on sera tenté de dire qu'il est aussi plus abouti sur certains points à commencer par le psychopathe dont l'identité en surprendra plus d'un. On peut conclure que Torso est une excellente porte d'entrée pour s'initier au giallo, plongé dans un brouillard trouble dont l'issue est incertaine. 

 

Note : 15,5/20

 

 

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