Genre : Thriller, policier, horreur, giallo (interdit aux - 12 ans)
Année : 1972
Durée : 1h43
Synopsis :
A Londres, une élève d'un collège catholique pour filles est tuée de manière brutale près de la Tamise. Enrico Rosseni, un professeur qui se baladait près des lieux, devient le suspect idéal, surtout que celui-ci entretient une liaison secrète avec une de ses étudiantes. Alors que les soupçons se font de plus en plus pressants, le professeur Rosseni décide d'agir et d'enquêter par lui-même.
La critique :
J'espère que vous vous êtes remis du traumatisme des deux gialli chroniqués il y a très très peu de temps l'un à la suite de l'autre. La pause fut (mal)heureusement de courte durée car une rétrospective de cette envergure n'attend pas. Cela fait déjà depuis quelques temps que vous bouffez du giallo à cadence assez rapide et aux réfractaires, je tiens à m'en excuser le plus sincèrement. Mais que voulez-vous, je me suis pris d'une affection et d'une attirance inexplicables pour un genre qui créait en moi une profonde circonspection il y a quelques années. Auparavant, trouvant le tout un peu désuet, voire même série B, j'ai finalement appris à accepter et surtout à apprécier les codes.
Le chemin ne fut pas évident, certains classiques portés aux nus par les fans me laissant de marbre ou parfois satisfait mais sans me faire grimper aux rideaux. Trois exceptions étaient à noter. D'abord, le superbe La Maison aux fenêtres qui rient, encore et toujours indétrônable à mes yeux, suivi de Six Femmes pour l'Assassin et de Suspiria. Ce triptyque de choc a su m'empêcher de délaisser ce style essentiellement transalpin, au grand dam de certains ici présents, j'en suis sûr.
Ainsi, ce cycle se poursuit dans la joie (*tousse) et la bonne (*tousse) humeur pour tout le monde (*tousse). Ne devant compter, au vu de ma condition d'étudiant pour qui l'achat d'un simple DVD d'une quinzaine d'euros prête fortement à réflexion, que sur le téléchargement, je fus surpris de la générosité du nombre de pellicules capables d'être obtenues pour le sans-dent que je suis qui préfère investir son argent ailleurs. Ceci dit, le Web francophone présente énormément de lacunes et il convient de flâner du côté anglophone, à mes risques et périls. Généralement dépourvus de tout sous-titres, l'obtention et SURTOUT la synchronisation peuvent se révéler être une véritable horreur.
Un frisson me parcourt encore l'échine quand je repense au visionnage épouvantable de Torso dont le fichier ne parvenait pas à être stable plus de deux minutes. J'allais réitérer ça encore hier soir, la goutte dégoulinant d'avance le long du front. Il n'est plus question de parler de Sergio Martino mais d'un autre cinéaste que j'ai déjà mentionné à moult reprises : Massimo Dallamano. Ce nom ne vous dit peut-être rien et ce n'est pas étonnant vu qu'une bonne partie de sa filmographie reste inédite dans nos contrées, le tout couplé à une carrière peu importante dans l'épouvante et le fantastique. Avec La Lame Infernale, prochainement chroniquée, Mais... Qu'avez-vous fait à Solange ? représente la quintessence de son travail qui n'aura guère marqué les esprits si l'on excepte ces deux pellicules.
ATTENTION SPOILERS : A Londres, une élève d'un collège catholique pour filles est tuée de manière brutale près de la Tamise. Enrico Rosseni, un professeur qui se baladait près des lieux, devient le suspect idéal, surtout que celui-ci entretient une liaison secrète avec une de ses étudiantes. Alors que les soupçons se font de plus en plus pressants, le professeur Rosseni décide d'agir et d'enquêter par lui-même.
Car si chez nous, nous avons sottement tendance à résumer l'excellence "giallesque" à Bava et à Argento, ce n'est pas le cas de l'Italie où les créations d'autres réalisateurs sont tout autant estimées. Nous l'avons vu avec Sergio Martino et nous le verrons également ici. En dépit de sa confidentialité certainement due au fait qu'il n'ait pas bénéficié d'une sortie dans nos salles de cinéma, Mais... Qu'avez-vous fait à Solange ? a remporté un très grand succès dans son pays natal et ne mit pas longtemps à être considéré comme l'un des sommets du giallo. Oui, rien que ça ! Alors que l'an 1972 fut l'année précédant le boom du genre, moult pellicules sortaient à un rythme presque équivalent à celui du pinku-eiga en son temps au Japon. Beaucoup tentèrent leur chance et s'y aventurèrent sans trop de succès, épousant une politique de lassitude prévisible. Dallamano ne tenait pas à s'engoncer dans un paradigme aussi peu ambitieux et voulait plus que tout se démarquer d'une concurrence parfois apoplectique.
Co-production italo-allemande, comme c'était souvent le cas pour certains gialli, le film s'inspire vaguement d'un roman d'Edgar Wallace.
Dans l'adaptation télévisée, Londres est frappée par un crime abominable. Une adolescente d'une école catholique a été tuée par un psychopathe qui n'a rien trouvé de mieux que de lui enfoncer un couteau droit dans le vagin. Les policiers pensent que l'assassin doit avoir un lien avec l'école et pas de chance pour Enrico Rosseni, il se trouvait à proximité des lieux du crime, batifolant avec une de ses élèves avec qui il a noué une liaison clandestine. Précisons qu'il est marié à une blonde frigide aussi sympathique qu'une porte de prison. On le voit comme le suspect principal malgré les contestations des enseignants et même de sa femme qui le défendra alors qu'elle sait pertinemment qu'il va voir ailleurs.
L'histoire ne s'arrêtera pas à ce simple crime odieux puisqu'une autre boucherie a lieu dans les mêmes circonstances, suivi d'un troisième crime qui disculpera totalement Rosseni qui tient alors à se venger en menant une enquête parallèle à celle de Scotland Yard. A première vue, Mais... Qu'avez-vous fait à Solange ? est une oeuvre au scénario qui ne surprendra guère. Et pourtant, c'est tout le contraire. Démarrant sur un ton calme, Dallamano fait grimper de manière progressive l'intensité, révélant alors tous les vices et mettant au grand jour une sombre histoire passée.
Dans ce pensionnat catholique de jeunes filles, une secte clandestine s'est formée entre plusieurs filles aux attitudes volages flirtant avec des étudiants où orgies et rapports lesbiens étaient de la partie. Une cassure se fera lors d'un incident particulièrement atroce qui vit Solange, l'une des membres, en ressortir traumatisée à vie au point qu'elle a été frappée d'une régression infantile. Que s'est-il passé ce jour-là ? Et surtout quel homme se cache derrière cette soutane noire de prêtre pour massacrer avec absurdité ces filles à l'arme blanche dans une main gantée de noir ? Les réponses trouveront leur origine sur des antécédents historiques. Rosseni aidé de sa femme ouvriront une boîte de Pandore qui entraîneront d'autres personnes dans les géhennes. Autant vous dire que si certains gialli se suivent avec politesse, Mais... Qu'avez-vous fait à Solange ? se place dans le très haut panier sur la question du récit prenant dont on tient à connaître le fin mot de tout ceci.
Car, aussi étonnant que cela puisse paraître, ces vagins torturés ne tiennent pas du hasard. Ces actes trouvent une réelle justification scénaristique dans leur pratique. Si vous ne tenez pas à en savoir plus et voulez garder le suspens à tout prix, vous pouvez passer le paragraphe suivant.
Dallamano inscrit ça dans une dénonciation sociale de première importance en abordant le douloureux sujet des avortements clandestins dans une Italie extrêmement catholique qui répudiait ce genre de pratique. Rappelons que son long-métrage sortait alors que les lois sur l'IVG n'avaient pas encore été faites. Ce qui en fait un pur produit avant-gardiste auxquels s'ajoutent quelques thématiques spinescentes parmi lesquelles les oaristys interdits entre un professeur et une élève, la libération sexuelle des adolescentes, le voyeurisme des professeurs, le prêtre tueur. Bien que la durée soit un peu plus longue que d'accoutumée pour un giallo (1h42 de bobine), nous restons constamment sur le qui-vive.
Plutôt que d'opter pour les fausses pistes, Dallamano préfère jouer la carte des rebondissements et du mystère latent, de sorte qu'un véritable jeu du chat et de la souris se fait. Et ce choix fonctionne à merveille se montrant bien plus incisif dans sa tension. Evidemment, on ne peut réfréner nos doutes et nos suspicions mais il est préférable de jouer le jeu et de se laisser porter par les événements.
Les moyens ont aussi été mis dans le visuel du film qui se retrouve au même niveau que les grands films italiens de l'époque de par l'importance accordée à la photographie soignée. L'esthétique impeccable multiplie des décors variés à l'éclairage de très bonne facture. Tout cela permet de magnifier l'élégance de la mise en scène qui confirme le raffinement du cinéma transalpin. Oui, le giallo peut être sophistiqué ! On peut encore continuer sur les points positifs puisque qui dit Ennio Morricone à la partition musicale dit logiquement oreilles bercées par ses mélodies si châtoyantes pour nos petits tympans. Non dénuée d'une certaine mélancolie, elles contribuent grandement à l'atmosphère si particulière du titre. Et pour finir, on tient un casting globalement de qualité, crédible dans son jeu d'acteurs.
De là à dire que ceux-ci sont inoubliables, je n'irais pas jusque là mais ils se débrouillent avec les honneurs. On citera volontiers Fabio Testi, Karin Baal, Joachim Fuchsberger, la sublime Cristina Galbó pour qui j'ai eu un petit coup de coeur, Camilie Keaton, Maria Monti, Günther Stoll et Claudia Butenuth.
On ne peut alors que ressortir comblé d'une séance géniale d'un giallo qui n'aura en aucun cas usurpé sa réputation de grand classique du genre. Démarrant d'une intrigue simple en apparence, Dallamano arrive à multiplier avec une honorable dextérité les diverses ramifications pour accoucher d'une trame beaucoup plus profonde qu'elle n'en a l'air au premier abord. Soulignons qu'il y a peu de meurtres mais ceux-ci se rattrapent par une brutalité particulièrement dérangeante. Il est recommandé de ne pas imaginer la douleur que les femmes ressentiront, même pour nous les hommes.
D'ailleurs pour les plus filous, vous apprécierez une pellicule particulièrement magnanime sur les corps dénudés. Mais... Qu'avez-vous fait à Solange ? possède tous les attributs d'un indispensable du giallo qui parvient à tenir la dragée haute face aux meilleures réalisations de Bava et Argento. Ce qui n'est pas du tout un mince compliment ! Alors, mais... Qu'avez-vous à attendre pour le regarder dans les plus brefs délais ?
Note : 16/20