La_6eme_victime

Genre : Thriller, policier (interdit aux - 12 ans)

Année : 1999

Durée : 1h58

 

Synopsis :

La police retrouve dans différents quartiers de Séoul des sacs poubelles contenant des cadavres démembrés, auxquels il manque une partie bien précise du corps. Elle en arrive à la conclusion qu'il s'agit là de l'œuvre d'un tueur en série. Incapable d'identifier les deux premières victimes, l'inspecteur Cho ne trouve pas d'indices sur les motivations du meurtrier. Cependant, lorsque le troisième cadavre est découvert, une piste le mène jusqu'à la mystérieuse Chae Su-Yeon.

 

La critique :

"Encore un billet sur un film coréen ?", grommellerez-vous sans doute. Sauf que je tiens à vous rassurer d'emblée, et peut-être même pousserez-vous un soupir de soulagement, car nous ne sommes ni plus ni moins qu'à l'avant-dernier métrage de notre rétrospective, avant que celle-ci ne se clôture sous un tonnerre d'applaudissements de ceux qui en avaient marre d'en entendre parler trop souvent. Il est vrai que les rallonges conséquentes ont pu vous lasser mais je rappelle que je n'ai jamais eu pour ambition de faire tout le répertoire cinématographique du pays, tout d'abord pour des raisons d'accessibilité mais aussi parce que j'aurais fini par en avoir eu marre. Car même un chroniqueur a un seuil de tolérance. Mais quelle est donc cette rétrospective parmi celles encore en cours ?
Facile à deviner car c'est encore cette bonne vieille Corée du Sud qui n'a pas eu son pareil en termes de succès sur ce blog que vous louangez (rires !). Ainsi, on peut avancer que Cinéma Choc ne se débrouille pas trop mal sur la question du nombre de films abordés avec amour et passion. 

Car ce qui fait son omniprésence sur le site est qu'il voue depuis longtemps une indéfectible tendresse envers le thriller avec, en prime ou non, un couplage au genre policier. Les années passant, depuis surtout la sortie du culte Old Boy, ont vu l'Occident s'extasier sur ces contrées qui a une tradition bien à elle du thriller, séduisant irrémédiablement les aficionados lassés du genre occidental revu et parfois insipide. Pas de concession qui ne tienne, le happy-end on le jette à la poubelle et la violence on ne la refuse pas et on se permet même le toupet de la filmer de manière frontale. Bref, tous les ingrédients logiques qu'il faut pour sublimer le thriller. Les lustres passant ont vu plusieurs démiurges imposer leur emprise sans précédent, pas seulement à l'échelle nationale mais aussi internationale.
Park Chan-Wook tout d'abord qui ouvrait le cinéma coréen au monde mais pas que. Kim Jee-woon, Na Hong-Jin, Bong Joon-ho forment avec le premier susmentionné ce quatuor de piliers indispensables dont chaque sortie est attendue avec une grande impatience. Evidemment, ce ne sont pas les seuls qui ont pondu d'excellentes créations mais c'est sur eux que reposent tous les espoirs. Un peu à tort quand on songe à des petites pépites méconnues restées dans l'oubli chez nous. Mais dans cette avant-dernière chronique sur la Corée, on remontera le temps, avant l'an 2003. 

 

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ATTENTION SPOILERS : La police retrouve dans différents quartiers de Séoul des sacs poubelles contenant des cadavres démembrés, auxquels il manque une partie bien précise du corps. Elle en arrive à la conclusion qu'il s'agit là de l'œuvre d'un tueur en série. Incapable d'identifier les deux premières victimes, l'inspecteur Cho ne trouve pas d'indices sur les motivations du meurtrier. Cependant, lorsque le troisième cadavre est découvert, une piste le mène jusqu'à la mystérieuse Chae Su-Yeon.

Se présente à vous La 6ème Victime du réalisateur Chang Yoon-hyun. Peu connu dans nos contrées, la quasi-totalité de sa filmographie reste inédite de par chez nous avec des titres comme The Night Before The Strike, Gabi ou The Contact. Réalisateur peu prolifique, il ne totalise actuellement que six films en trente ans, le film d'aujourd'hui étant son oeuvre la plus célèbre. Sorti en 1999, ce long-métrage fut l'un des précurseurs du thriller sud-coréen qui y commençait timidement son incursion. On retrouve tous les ingrédients qui seront repris par la suite : un serial-killer insaisissable, des crimes sauvages et une enquête policière compliquée. En l'occurrence, ce maniaque adroit du bistouri se plaît à démembrer des corps et à mélanger des parties bien précises avec d'autres cadavres dont il manque ces parties en question qui seront assemblées avec une autre victime et ainsi de suite.
Ce psychopathe s'amuse à découper jambes, bras, la tête et même à extirper le coeur pour se fabriquer des petites poupées assemblées qui étaient encore en vie, mais inconscientes, lors de l'opération. Plutôt macabre ! Et c'est à l'inspecteur Cho que revient cette enquête après des démêlés avec la police pour une affaire de détournement d'argent, certes à but louable. Mais nul n'est censé ignorer la loi !

Ainsi, La 6ème Victime se montre particulièrement magnanime dans sa première partie en multipliant les scènes sanguinolentes. La découverte de corps réduits en charpie, balancés dans de vulgaires sacs plastiques dans un ascenseur très fréquenté ou sur une route avec, en prime, un superbe carambolage bien mis en scène, répondent présent. Au vu de ce qui est filmé, on s'étonnera que le film n'ait écopé que d'une simple interdiction aux moins de 12 ans. Après cette folie passagère qui a le mérite de planter le décor, nous suivons Cho dans ses pérégrinations pour retrouver le coupable. Les pistes l'amènent à une jeune artiste peintre qui semble en savoir beaucoup plus que ce qu'elle laisse paraître. Seulement, les choses ne sont pas aussi simples et le policier l'apprendra à ses dépens.
Femme convoitée par moult prétendants qui auront connu cette mort atroce, Cho finira par s'énamourer d'elle en essayant de refouler le plus possible son attirance. Ces deux êtres ont en commun une solitude récurrente. Chae n'a plus ses parents à ses côtés, Cho n'a pas de foyer familial. Chacun va se retrouver dans l'autre mais jamais l'histoire ne versera dans une romance dramatique façon Shakespeare qui occulterait l'essentiel du récit.

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Autre point à mentionner, jamais Yoon-hyun ne place le corps policier dans une situation de domination, pas plus qu'il ne met un visage sur le meurtrier communiquant avec eux. Ces flics ne sont pas des surhommes et pataugent continuellement dans une affaire qui les dépasse. Ils n'ont pas plus d'intuition, ce qui laisse le serial-killer en position de supériorité. Jamais sa voix ne sera entendue, jamais sa tête ne sera exhibée. Il oeuvre dans le noir, à l'insu de tous, ce qui confère une atmosphère crépusculaire à l'ensemble. On rampe dans la noirceur, dans les tréfonds de l'âme humaine, à tenter de comprendre le pourquoi du comment, à vouloir élucider comment un être humain peut en arriver à une pareille inhumanité. La 6ème Victime joue de faux-semblants et intègre la terreur dans le quotidien. Je reprends encore l'exemple de l'ascenseur qui illustre à merveille ce que je veux dire. 

Ce programme semble être alléchant au premier abord sauf que pas tant que ça. Yoon-hyun s'engonce dans de nombreuses imperfections, des erreurs de parcours assez fâcheuses qui minent considérablement le potentiel du scénario. Pour commencer, les longueurs se font ressentir à plusieurs reprises. Il n'aurait pas été inutile d'opter pour un raccourcissement. Secundo, cette même impuissance de la police qui veut être illustrée finit par rendre le tout pour le moins lourd. On a bien du mal à garder notre attention sur une narration de plus en plus alambiquée avec son lot de révélations qui ne nous parlent pas, ne nous impressionnent pas, voire même nous amènent à ne pas saisir toutes les circonvolutions scénaristiques. A l'image de son héros principal, on finit par être aussi dans le flou sans compter qu'une fin en queue de poisson se charge de détruire nos espoirs.
L'impression d'avoir été un peu pris pour un con se fait ressentir et pas dans le bon sens. Certains savent jouer habilement de notre perception en dissimulant des preuves évidentes que nous n'arrivons pas à saisir et quand la révélation se fait, tout s'agence à merveille. Or ici, on retourne le spectateur comme une crêpe comme si on tenait à le surprendre absolument, même de la manière la plus artificielle qui soit. C'est forcé, bourrin, donc ça ne fonctionne pas.

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Un rattrapage se fait sur la photographie de bonne facture, filmant l'ensemble avec une dextérité à souligner. On se plaît à évoluer dans une ville constamment frappée par la pluie battante, assombrissant un récit qui n'en est qu'incertain (et le mot est faible !). Certaines scènes très réussies que j'ai déjà citées plaisent par leur puissance qui apportent quelques sursauts à un rythme souvent faiblard. Sur la question de la bande son, on évolue sur du très positif, mélangeant un peu les genres sans que cela ne frise le ridicule. Passer de sonorités d'outre-tombe à du Placebo, ce n'est pas tous les jours que nous voyons ça et, mieux, l'audace fonctionne. On finira le tout sur une note négative sur le choix des acteurs ou tout du moins de certains acteurs à commencer par Han Suk-kyu qui naviguera entre le correct et le charisme d'un ananas. Chose qui n'est pas géniale pour un protagoniste principal.
Son acolyte campé par Jang Hang-seon est aussi transparent que de l'air pur. Si ces deux-là ne convainquent pas, les autres se débrouillent mieux et surtout Yum Jung-ah, l'amie de Chae interprétée par la belle Shim Eun-ha. On mentionnera aussi Yeom Jeong-Ah, An Seok-Hwan, Park Chel-Ho, Yu Jun-Sang et Lee Hwan-Jun.

Mettons-nous d'accord, La 6ème Victime n'est pas un mauvais film mais il ne parvient jamais à justifier un visionnage dû à l'absence d'arguments péremptoires. L'intrigue glauque avait de quoi offrir le spectacle mais il aurait mieux valu qu'un Kim Jee-woon ou un Na Hong-jin soient derrière les commandes pour aboutir à une petite claque. Or ici, on ne ressent jamais cette gnac et pire encore, on finit même par trouver le temps long vers la fin. Yoon-hyun s'emmêle les pinceaux et préfère rester dans l'incertitude plutôt que de dévoiler de manière explicite l'identité de l'assassin. Soit, mais encore faut-il mettre d'accord les spectateurs et ce ne fut visiblement pas le cas de la majorité, où je m'y intègre volontiers. En résulte un produit d'époque que l'on regardera sans doute s'il n'y a à la TV qu'un documentaire soporifique sur la période de reproduction des bécasses de Poméranie. 

 

Note : 11/20

 

 

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