Genre : thriller (interdit aux - 16 ans)
Année : 1976
Durée : 2h05
Synopsis : Babe, étudiant en histoire, s'entraîne dans Central Park pour le marathon de New York. Son frère Doc, membre d'une organisation gouvernementale secrète, est assassiné sous ses yeux. On apprend que le Dr Szell, un criminel de guerre nazi, serait venu récupérer un trésor de guerre qu'il avait confié autrefois à son frère...
La critique :
A la fois réalisateur, acteur, scénariste et producteur, John Schlesinger fait partie des parangons éminents du cinéma britannique. Sa carrière cinématographique démarre vers la fin des années 1940, période durant laquelle il s'affaire au tournage de courts-métrages, notamment Black Legend (1948), The Starfish (1950), Sunday in the park (1956), ou encore The Class (1961), par ailleurs inconnus au bataillon et inédits dans nos contrées hexagonales. Toutefois, c'est le court-métrage Terminus (1961) qui lui permet d'accéder à une certaine notoriété, en s'octroyant le prix de la British Academy of Film and Television Arts (BAFTA). L'embellie se poursuit avec ses longs-métrages suivants, Un amour pas comme les autres (1962), Billy le menteur (1963) et Darling (1965).
Derechef, ces trois nouveaux essais se soldent par toute une pléiade de dithyrambes et de récompenses.
A posteriori, John Schlesinger enchaînera avec Loin de la foule déchaînée (1967), un quatrième effort qui corrobore sa popularité naissante. Pourtant, son cinquième long-métrage, Macadam Cowboy (1969) est loin de faire l'unanimité. Accueilli sous les persiflages, Macadam Cowboy écope carrément de l'ultime réprobation, à savoir une interdiction aux moins de 18 ans. Ce drame contient tous les rudiments et les linéaments d'une oeuvre impudente et acrimonieuse. A contrario, nonobstant toutes ces diatribes et saillies rédhibitoires, Macadam Cowboy obtient paradoxalement le statut de film culte, voire de classique du noble Septième Art.
Un oxymore. John Schlesinger peut désormais couler des jours pérennes et surtout s'enhardir une filmographie exemplaire.
Yanks (1976), Honky Tonk Freeway (1981), Le jeu du faucon (1981), Les envoûtés (1987), ou encore Fenêtre sur Pacifique (1990) sont autant de réussites. Vient également s'additionner Marathon Man, sorti en 1976. Pour l'anecdote superfétatoire, le long-métrage est aussi l'adaptation d'un opuscule éponyme de William Goldman sorti un an auparavant. A l'instar des oeuvres antérieures de John Schlesinger, Marathon Man va à son tour s'arroger les vivats et les récompenses de l'intelligentsia. En outre, c'est surtout la performance de Laurence Olivier, en "nazillard" fallacieux (pléonasme !), qui tarabuste les esprits les plus pudibonds. Par ailleurs, le comédien - très en verve pour l'occasion - remportera l'Oscar du meilleur acteur dans un second rôle (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Marathon_Man).
Au niveau du casting, viennent aussi s'agréger Dustin Hoffman, William Devane, Marthe Keller, Richard Bright, Marc Laurence, Fritz Weaver et Jacques Marin.
En raison de sa virulence et notamment d'une scène de torture par édentation, Marathon Man écopera d'une interdiction aux moins de 16 ans. En outre, cette saynète impétueuse sera même écourtée après une première projection dans les salles. Certains spectateurs effarouchés jugent la séquence beaucoup trop revêche et sanguinolente. Pourtant, John Schlesinger prend soin de film les animosités hors-champ... Encore un oxymoron... Mais trêve de palabres et de verbigérations et passons à l'exégèse du film ! Attention, SPOILERS ! (1) À New York, par un été caniculaire, un violent accident de voiture cause la mort de deux personnes, dont le frère d'un ancien criminel de guerre nazi caché en Amérique du Sud, Christian Szell (Laurence Olivier), qui se trouvait aux Etats-Unis afin d'y récupérer un vieux trésor de guerre. Cet accident va avoir des répercussions collatérales sur le quotidien tranquille de Thomas Levy (Dustin Hoffman), brillant étudiant en histoire surnommé « Babe » par son entourage, et qui s'entraîne d'arrache-pied en vue de courir un marathon.
En effet, son grand frère Henry « Doc », membre d'une organisation secrète du gouvernement américain, est dans la ligne de mire de Szell. Dès lors, « Babe » va devoir courir pour sauver sa peau, tout en cherchant à comprendre pourquoi il est lui aussi devenu une cible à éliminer (1). A l'instar de Macadam Cowboy sorti quelques années plus tôt, Marathon Man peut lui aussi boxer dans la catégorie des films polémiques ; pas seulement pour son interdiction aux moins de 16 ans, pas seulement - non plus - pour sa fameuse saynète de torture, mais surtout pour les thématiques qu'il aborde en filigrane. En l'occurrence, il serait sans doute inconvenant de résumer (caricaturer) Marathon Man à un simple thriller lapidaire, dans lequel il est question - entre autres - de la résurgence du nazisme.
Car oui, contre toute attente, le métrage de John Schlesinger a une vraie consonance historique.
Oui, Marathon Man est un thriller beaucoup plus alambiqué qu'il n'y paraît. La vision de ce marathonien, en guise d'introduction du film, n'a rien d'aléatoire. Cet homme, c'est évidemment Thomas Levy, de confession juive par ailleurs. Rappelons qu'à l'époque, le monde entier a jeté l'opprobre sur les anciens tortionnaires "nazillards". Ces derniers sont encore quelques poignées à sévir à travers le monde. Certaines personnes les traquent inlassablement, quelque part entre les Etats-Unis et les pays d'Amérique du Sud. L'humanité n'a pas oublié les excoriations laissées par la Seconde Guerre mondiale. Elle doit se reconstruire et s'ériger sur de nouvelles bases antagoniques.
Et c'est exactement ce que préfigure cette course effrénée et entonnée par Thomas Levy. Bientôt, sa vie pérenne est bouleversée par l'arrivée inopinée d'un ex-criminel nazi.
Toute la symbolique (entre autres, historique) se trouve dans cette confrontation farouche et amère. Comment Thomas va-t-il s'extirper de l'ornière face à cet ancien bourreau du Troisième Reich ? Derechef, sa course est une fuite allégorique. Mais le rapport de force a changé, semble scander un John Schlesinger à travers ce thriller à couteaux tirés. Toutefois, ce changement de dialectique (bourreau/esclave, juifs/nazis) n'est pas "sans danger". Telle est la formule laconique et comminatoire ("C'est sans danger ?") déclamée par Christian Szell face à sa nouvelle victime (donc Thomas Levy). En résulte un thriller au suspense haletant, parfois presque suffoquant.
Marathon Man atteint véritablement son zénith lors de sa fameuse scène de supplice. Indubitablement, cette séquence estourbira durablement les persistances rétiniennes.
Marathon Man réitère les inimitiés lors du pugilat final entre un Dustin Hoffman sévèrement courroucé et un Laurence Olivier dépité. C'est désormais le nazi en cavale qui est prié d'agonir sous les yeux d'un Dustin Hoffman componctieux et solennel. Laurence Olivier n'a pas usurpé son Oscar du meilleur acteur. Dustin Hoffman incarne derechef un être débonnaire (à l'instar de son personnage dans Les Chiens de Paille) qui finit par s'éveiller et s'insurger sous la pression de forces inexpugnables. Il n'est plus ce juif en fuite, ni ce marathonien à la recherche d'une route éphémère.
Il est cet homme impassible et appelé à affronter une autre vague, une autre rafale, celle d'une globalisation exponentielle. Vous l'avez donc compris, supputé et même subodoré. Pour apprécier Marathon Man, il faut sans doute discerner ses différents niveaux de lecture...
Note : 16/20