Usual_Suspects

Genre : policier, thriller (interdit aux - 12 ans)
Année : 1995
Durée : 1h46

Synopsis : Suite à une mystérieuse dénonciation, cinq criminels se retrouvent en garde à vue. Plus tard, engagés sur un coup par le génie du crime Keyser Söze, les cinq hommes sont pris au piège d’une diabolique machination… 

La critique :

En l'espace de deux décennies, le nom de Bryan Singer s'est imposé comme l'une des nouvelles références du cinéma hollywoodien. A la fois cinéaste, scénariste et producteur, Bryan Singer a toujours besogné pour le noble Septième Art. Depuis sa tendre enfance, il bricole des courts-métrages et poursuit sa formation dans de prestigieuses universités américaines. Son premier court-métrage se nomme Lion's Den (1993), un essai qui lui permet déjà d'être repéré par l'intelligentsia hollywoodienne. Puis, vers le milieu des années 1990, Bryan Singer signe son tout premier long-métrage, Ennemi Public (1998). Si le film ne soulève pas spécialement les foules dans les salles obscures, il s'octroie - à contrario - tout une pléthore de récompenses, notamment le Grand Prix du Jury et le Prix de la critique lors des festivals de Deauville et de Sundance. Après avoir adapté un célèbre opuscule de Stephen King, Un Elève Doué (1998), Bryan Singer suscite les appétences de l'oligarchie américaine.

Le metteur en scène peut désormais couler des jours pérennes. De petits films indépendants, il passe subrepticement à la réalisation de blockbusters opulents (pléonasme !). X-Men (2000), X-Men 2 (2003), Superman Returns (2006), Walkyrie (2009), X-Men - Le Commencement (2011), Jack le chasseur de géants (2013), X-Men - Days of Future Past (2014), X-Men - Apocalypse (2016), ou encore Bohemina Rhapsody (2018) lui permettent d'asseoir sa notoriété. Indubitablement, avec Bryan Singer, le sérail hollywoodien tient son nouvel auteur proéminent. Seul bémol et pas des moindre, cette nouvelle égérie n'a pas toujours toisé les firmaments du box-office américain.
Par exemple, Walkyrie, Superman Returns et Jack le chasseur de géants n'ont pas forcément laissé de réminiscences impérissables.  

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Mais, parfois, entre deux blockbusters inconséquents, Bryan Singer s'affaire à des productions plus indépendantes et/ou personnelles. C'est par exemple le cas du projet Trick'r Treat (2007), un film d'épouvante qu'il produit sous l'entremise de Michael Dougherty. Mais selon les thuriféraires de Bryan Singer, la quintessence du cinéaste se situe durant les années 1990 via un thriller policier sorti de nulle part. Son nom ? Usual Supects, sorti en 1995. Le succès de ce polar repose essentiellement sur sa trame narrative.
Ainsi, le scénario fonctionne de façon uchronique et surtout sur l'interrogatoire de Verbal Bint, un estropié qui fait figure - au mieux - de vulgaire cacochyme. 
Sur ces entrefaites, Usual Suspects requiert toute l'attention du spectateur pour l'entraîner dans une myriade de mystifications et d'affabulations.

Mais, à l'instar d'autres polars tonitruants (on songe notamment à Scarface, Brian de Palma, 1983), Usual Suspects repose sur une figure prédominante, Keyser Söze. Ce nouveau trublion est le digne épigone de Tony Montana. Lui aussi possède son lot d'assesseurs et de sectateurs dans le trafic d'armes, voire de stupéfiants. Mais, contrairement à Tony Montana, Keyser Söze est une sorte de croquemitaine, une figure à la fois évanescente et rocambolesque. Toujours est-il que cette figure mythique va devenir la nouvelle effigie du polar alambiqué. La légende Keyser Söze est en marche. Pour l'anecdote superfétatoire, ce personnage romancé, presque déifié, s'inspire partiellement de l'histoire vraie de John List, "un comptable du New Jersey qui a tué toute sa famille en 1971 et a disparu pendant presque vingt ans en prenant une nouvelle identité avant d'être arrêté" (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Usual_Suspects).

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Le scénariste Christopher McQuarrie esquisse neuf trames narratives différentes. Enthousiaste, Bryan Singer propose toutes ces ébauches de scénario aux producteurs américains. Le réalisateur peut s'affairer à l'ouvrage et surtout au tournage de Usual Suspects. Plusieurs comédiens éminents seront approchés et même envisagés pour tourner le long-métrage, notamment Al Pacino, Christopher Walken ou encore Al Pacino. Contre toute attente, ces derniers déclinent poliment l'invitation. Derechef, Usual Suspects s'arroge toute une pléiade de récompenses, entre autres le prix du meilleur film au festival de Sundance, ou encore le Silver Award lors du festival international de Tokyo.
Au fil des années, Usual Suspects obtient carrément le statut de film culte. Reste à savoir si ce thriller policier mérite - ou non - de tels dithyrambes.

Réponse à venir dans les lignes éparses de cette chronique... La distribution du film se compose de Chazz Palminteri, Kevin Spacey, Gabriel Byrne, Stephen Baldwin, Kevin Pollak, Benicio del Toro, Pete Postlethwaite, Suzy Amis, Giancarlo Esposito, Dan Hedaya, Ron Gilbert, Carl Bressier et Paul Bartel. Attention, SPOILERS ! (1) Sur le pont d'un cargo dans le port de San Pedro, en Californie, un homme blessé du nom de Keaton discute avec une silhouette qu'il nomme Keyser. Ce dernier tire ensuite sur Keaton, avant de mettre le feu au navire. Le lendemain, l'agent fédéral Jack Baer et l'agent spécial des douanes Dave Kujan arrivent à San Pedro pour enquêter sur le massacre qui a eu lieu à bord du cargo. 
Il n'y a que deux survivants : un petit escroc infirme appelé Verbal Kint et un Hongrois gravement brûlé et de ce fait hospitalisé.

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Baer interroge le Hongrois, qui affirme que Keyser Söze, un génie du crime turc à la réputation presque mythique, était dans le port et y a tué beaucoup de gens. Le blessé décrit Keyser Söze à l'aide d'un traducteur et d'un dessinateur de la police, qui en dresse un portrait-robot. Pendant ce temps, Kint est placé dans le bureau du sergent Rabin, où l'agent spécial Kujan lui demande de raconter son histoire. Celle-ci commence six semaines plus tôt (1). Au moment de la sortie de Usual Suspects, Bryan Singer est encore ce réalisateur pugnace et fougueux. Usual Suspects se doit d'haranguer un autre didactisme et surtout se démarquer d'une concurrence apoplectique. 
En l'occurrence, il serait impossible, voire parfaitement futile, de résumer un thriller - aussi nébuleux - que Usual Suspects.

A ce sujet, on pourrait longuement ergoter, disserter et chinoiser sur sa trame narrative fuligineuse. Sur ce dernier point, Usual Suspects aurait pu aisément sombrer dans un scénario fastidieux et amphigourique. Or, dès le départ, tous les éléments disparates ont été pensés, conçus et ratiocinés pour exploser à la face du spectateur lors du prologue final. Indiscutablement, Usual Suspects est un thriller matois qui n'a pas grand-chose à envier à Scarface (déjà susdénommé dans ses lignes), ou encore L'Impasse (Brian de Palma, 1994). Certes, Bryan Singer ne possède certainement pas le raffinement ni l'entregent d'un Brian de Palma. Non, Usual Supects n'est pas le nouveau Scarface, ni un avatar de Citizen Kane (Orson Welles, 1946), un autre classique voluptuaire auquel il fait voeu d'allégeance.
Mais, au moins, le long-métrage de Bryan Singer peut s'enorgueillir d'un scénario extrêmement mutin. Mieux en raison de ses explications éparses, Usual Suspects nécessite plusieurs niveaux de lecture afin d'être appréhendé dans ses moindres artéfacts.

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Pour le spectateur hébété, il faudra probablement un, deux, trois, voire quatre visionnages pour comprendre à quel point il a été dupé, estampé, malmené et arraisonné pendant (presque) une heure et 45 minutes de bobine. A l'instar des divers protagonistes du film, le spectateur se retrouve lui aussi en position de témoin fantoche, appelé à disséquer les dires (les boniments...) de Verbal Bint. Sur ces entrefaites, Usual Suspects n'est - ni plus ni moins - qu'un polar sur la manipulation. Le mythe de Keyser Söze semble sourdre de nulle part, si ce n'est de l'imagination fertile de son scénariste, très en verve pour l'occasion. La grande force du film est de transformer ce personnage fugace en un saltimbanque, une sorte d'histrion issu de la littérature. Evidemment, l'interrogatoire de Verbal Bint reste le point d'acmé du film, entraînant le spectateur dans un jeu d'élucubrations, presque de prestidigitation, dont nous sommes victimes. On comprend mieux alors les concerts de louanges qui ont nimbé ce thriller matois.
Bref, on tient sans doute là le ou l'un des meilleurs films de Bryan Singer. A posteriori, le cinéaste finaud ne réitérera pas de telles prouesses artistiques, presque fantasmatiques.

 

Note : 16/20(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Usual_Suspects

sparklehorse2 Alice In Oliver