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Réalisation : Stephen Sayadian aka Francis Delia
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Scénario : Jerry Stah et Stephen Sayadian
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Production : Francis Delia aka Stephen Sayadian
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Musique : Mitchell Froom
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Photographie : Francis Delia
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Montage : Sidney Katz
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Décors : Paul Berthell
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Costumes : Polly Ester
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Pays d'origine : États-Unis
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Genre : Science-fiction, pornographique
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Durée : 80 minutes
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Date de sortie : 1982
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Film interdit aux moins de 18 ans
Avec : Michelle Bauer, Marie Sharp, Paul McGibboney, Darcy Nychol, Andy Nichols
Pour infos :
- Deux suites, Café Flesh 2 et 3, furent réalisées par Anthony R. Lovett en 1997 et 2003.
- Michelle Bauer, actrice culte, « scream queen" joua notamment dans SORORITY SUCCUBUS SISTERS, HOLLYWOOD CHAINSAW HOOKERS de Fred Olen Ray, bien connu pour ses films de séries B, voire Z.
- Rinse Dream alias Francis Delia aka Stephen Sayadian, frère de Joe Delia compositeur entre autres de L'ANGE DE LA VENGEANCE d’Abel Ferrara. Il réalisa également NIGHTDREAMS en 1981 (suite de tableaux pornographiques). Deux suites seront produites, NIGHTDREAMS 2 en 1989 et NIGHTDREAMS 3 en 1991, toujours sous le même pseudonyme de Rinse Dream. Il a tenté de percer dans le cinéma traditionnel avec le Dr. Caligari. Cela n'a pas fonctionné, et au début des années 90, il s'est rabattu sur des vidéos de sexe : Party Doll a Go Go et Cowgirls indomptées du Far West.
Synopsis : Après l'apocalypse nucléaire, l'humanité est partagée en deux groupes : les « positifs » qui ont conservé la faculté de faire l'amour et la grande majorité des « négatifs » qui sont devenus impuissants. Pour accéder à un succédané de plaisir, ces derniers n'ont plus d'alternative que de regarder les « positifs » se donner en spectacle sur des scènes de théâtre, telles que celle du Café Flesh. Les « positifs » sont tellement rares que lorsqu'ils sont découverts, ils ne peuvent se soustraire à ces spectacles et sont traités comme des esclaves.
La critique :
En préambule, le genre pornographique eut son âge d’or dans les années 70. La déferlante commença par le fameux Deepthroat – Gorge Profonde – de Georges Damiano (en 1972), puis Behind the Green Door de Jim et Artie Mitchell avec Marilyn Chambers. En 1973, toujours aux USA, The Devil in Miss Jones de Gerard Damiano enflamme la critique. On notera également l’incroyable Defiance of Good de A. Weston… Ces années laissaient à croire que la pornographie pouvait atteindre ses lettres de noblesse, il n’en fut rien... La VHS, le DVD, l’internet « libre » puis le Dark Web usèrent de toutes les créativités. Les sites spécialisés s’orientèrent sur le seul plaisir onaniste du mâle devant son PC.
Constat actuel :
Toutes les déviances restent possibles, demandez le programme, vous obtiendrez votre virtuel orgasme. Les cam-girls foisonnent dans ces sites moyennant des TOKENS... Quant à la créativité actuelle, oubliez. Reste le plaisir « masturbatoire » du fugace moment (Malraux énonçait : le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas ; du haut de son hypothétique nuage paradisiaque, celui-ci doit fulminer « grave » sur notre humaine destinée). Ceci étant, le genre pornographique connut son acmé avec ce fameux Cafe Flesh datant de 1982 (Epoque bénie où les films « post-nuke » italiens et autres productions Roger Corman bénéficiaient des salles obscures et ce, grâce aux influences mythiques MAD MAX 1& 2 de G. Miller). Amis libertins, ce film est aux antipodes de tes envies, il s’agirait plutôt d’un anti-porno, ne laissant guère aux coquins un coupable plaisir. Quant au curieux cinéphile, il est promptement invité à visionner ce film culte.
Café Flesh, porno postnucléaire est un film de 80 minutes. L’apocalypse nucléaire a rendu 99% de la population incapable d'avoir des relations sexuelles - ils sont devenus des Sex Negatifs. Les 1% restants de Sex Positifs sont tenus par le gouvernement de réaliser des actes sexuels publics au profit des Sex Negatifs forcément frustrés. Le nom du film est le nom de la boîte de nuit de sexe fréquentée par les Negatifs et animé par Max Melodramatic (Andrew Nichols). L’odieux animateur clame sa haine envers les négatifs : « Je me moque de ton besoin ».
L'intrigue se concentre sur un couple de Sexes Negatifs, Nick (Paul McGibboney) et Lana (Michelle Bauer), qui sont accros aux spectacles nocturnes au Cafe Flesh. Nick essaie de faire l'amour avec Lana, mais il tombe violemment malade. Lana fait semblant d'être malade - à l'insu de Nick, elle est en fait une sexe positive qui est restée avec lui par amour. Mais elle devient de plus en plus lubrique à mesure que le film avance. Elle sait qu'elle pourrait rejoindre les Positives dans leurs jeux sexuels si elle le voulait, et elle commence à le désirer.
Café Flesh accroche son spectateur, non pas avec du sexe hardcore (bien que quelques scènes adviennent mais absolument peu excitantes) mais avec ses idées et ses conflits. Le scénario, du réalisateur Stephen Sayadian et de l'écrivain Jerry Stahl, est efficace et critique envers le genre humain. Il convient de noter l'ambiance nihiliste New Wave du film. L’intégralité du film aux couleurs bleutés se déroulera en ce lieu de perdition nimbée d’un artificiel brouillard. Les spectacles sont conçus comme un théâtre d'avant-garde (homme-rat « pénétrant » sa femme devant une rangée d’hommes barbus déguisés en bébés), avec ses participants habillés en animaux, secrétaires, crayons géants. Certains des pornos des années 90 doivent beaucoup au look créatif de Cafe Flesh.
Le sexe lui-même (vous vous demandiez quand j'allais y arriver ?) est glacial, mécanisé. Les tableaux pornographiques des sexes positifs reposent beaucoup sur le mouvement mécanique, la symétrie, la géométrie, les couleurs vives créant un expressionnisme moderne.
David Cronenberg a dû visionner ce film avant de réaliser Crash. L’ambiance restera froide tout le long du film peu propice à de chaudes étreintes. Café Flesh mérite sa réputation, non pas pour sa valeur érotique (si cela vous enthousiasme, vous êtes presque aussi malade que les personnages du film...), mais pour sa remarquable cohésion esthétique. Entièrement tourné dans un seul plateau, je le disais, c'est l'un des films les plus incroyables des années 80 que je connaisse. La bande originale de Mitchell Froom est au diapason du film, marquant de son sceau Café Flesh, lui conférant son juste culte. « L'objectif était d'amener les acteurs à se sentir isolés et indifférents alors même qu'ils étaient en train de faire l'amour. Seulement, il arrivait régulièrement qu'ils soient réellement excités (...)
Pendant le tournage, si, à un quelconque moment, je voyais quelqu'un - homme comme femme - d'excité, je hurlais : "Coupez !", et je lui demandais d'arrêter de prendre du plaisir. C'était vraiment perturbant, pour un casting chevronné de vétérans du porno » dixit le réalisateur (In Distorsion X, interview de Stephen Sayadian par Aude Boutillon, décembre 2014).
Atypique, anti-porno, parfois ennuyeux à l’image des négatifs regardant désabusés les positifs copulaient, sophistiqué dans les tableaux représentés, Café flesh est un porno post-apocalyptique et dystopique. Bienvenue dans un monde meilleur…
Frustrant, non ?
NOTE : 14/20
CLINT MATTEI