Genre : Thriller, policier, giallo (interdit aux - 12 ans)
Année : 1972
Durée : 1h34
Synopsis :
L'inspecteur Peretti enquête sur la mystérieuse décapitation d'un agent d'assurances. Au fur et à mesure, d'autres corps sont retrouvés. Un homme est supposé s'être suicidé, une femme est étranglée, une autre attaquée dans son appartement. Tous les indices convergent vers une affaire non résolue, concernant un enlèvement et un meurtre. La seule piste de Peretti sont les dessins d'une petite fille.
La critique :
Cela doit faire maintenant un bien bon bout de temps que le giallo ne s'était plus fait remarquer dans les colonnes éparses de Cinéma Choc. Environ un peu plus d'une semaine à tout casser. Un nouveau record pour une rétrospective qui étouffe de plus en plus les allergiques au genre qui n'étaient pas préparés à un tel palmarès en termes de quantité (et moi non plus). Plusieurs mois ont passé et toujours pas de signe de fin pour passer à autre chose, certains diront. Pour votre gouverne, je suis en mesure d'affirmer que nous arrivons quasiment au dernier tournant de ce long cycle. De quoi déclencher l'euphorie et quelques soupirs de soulagement, mais il s'agira de subir encore l'assaut de mes dernières pellicules qui attendent avec impatience de se retrouver, elles aussi, à côté de leurs petits frères et soeurs. A chaque jour suffit sa peine comme on dit !
Avec le catalogue death movie/shockumentary/mondo, on pourra se risquer à dire que le giallo peut se classer joliment en deuxième place en termes de nombre de films chroniqués. "Giallo", un terme synonyme d'urticaire pour les uns, de plaisir pour d'autres, mais un terme qui ne laisse aucun cinéphile indifférent. D'origine transalpine, ce cinéma d'exploitation prend sa source dans l'imagination fertile de Mario Bava qui, en réalisant La Fille qui en savait trop, posera les premiers jalons que perfectionnera l'année suivante Six Femmes pour l'Assassin. A partir de ce moment-là, le giallo était né.
Mais le démarrage est très timide. Peu s'y investissent et il faudra attendre L'Oiseau au plumage de cristal et la suite de la trilogie animalière de Dario Argento pour que le thriller policier à l'italienne prenne tout son envol. Le début des années 70 étant le point culminant qui vit moult cinéastes tenter leur chance. Certains se ramassant en beauté, d'autres se forgeant une belle réputation. L'importante cadence de production induit une inévitable concurrence. Où d'autres opteront pour quelque chose de plus classique, d'autres se plaisent à expérimenter. Depuis un petit temps, les projecteurs s'intéressent aux réalisateurs plus petits, plus confidentiels dans l'impitoyable milieu du giallo. Emilio Miraglia et, dernièrement, Luigi Bazzoni ont suscité nos ferveurs. Aujourd'hui, c'est encore à un petit nouveau sur le blog de faire son entrée. Son nom est Tonino Valerii que certains connaissent sans nul doute pour sa carrière dans le western. Ce très charmant italien peut se féliciter d'être à l'origine d'une grande première pour moi qui fut d'acheter mon premier DVD de giallo. Et il s'agit du film dont nous allons parler ici-même, stupidement appelé Folie Meurtrière, qui sera son seul et unique giallo.
Oui, comme vous pouvez le voir, la traduction française débile dénature la beauté du titre originel qui veut dire littéralement "Mon assassin chéri". Avec La Lame Infernale, on tient le bouquet gagnant des plus mauvais titres de giallo en français. Mais un giallo ne se limite heureusement pas à son seul nom !
ATTENTION SPOILERS : L'inspecteur Peretti enquête sur la mystérieuse décapitation d'un agent d'assurances. Au fur et à mesure, d'autres corps sont retrouvés. Un homme est supposé s'être suicidé, une femme est étranglée, une autre attaquée dans son appartement. Tous les indices convergent vers une affaire non résolue, concernant un enlèvement et un meurtre. La seule piste de Peretti sont les dessins d'une petite fille.
Qu'on se le dise, et les critiques l'ont souvent dit aussi, le giallo est un genre assez limité dans ses codes et le risque de faire face à un long-métrage bancal, trop générique pour susciter notre appétence sur la durée est loin d'être négligeable. Au vu de ma très lourde décision d'acquérir le DVD, ce privilège n'aurait pu être accordé à un matériau qui n'aurait pas été suffisamment vendeur. La raison étant aussi que je n'arrivais pas à l'obtenir sur Internet. Que soit, le synopsis m'avait bien mis en haleine et laissait présager un récit sombre qui sera à l'origine de quelques critiques négatives de journalistes un peu à côté de la plaque, comme il en existe des centaines de milliers, accusant Valerii de s'être servi d'un atroce fait divers ayant eu lieu quelques temps auparavant la sortie du film.
Sauf que l'écriture fut faite avant le kidnapping suivi du meurtre de la fillette en question mais pour le savoir, il aurait fallu faire l'effort surhumain de se documenter et de réfléchir. Ce qui est psychologiquement impossible pour les sensationnalistes ! Les détracteurs auront sans doute raison de l'absence de grand succès public. Fort heureusement, Folie Meurtrière (que je déteste ce nom !) sera considérablement réhabilité par la suite.
Ainsi, Valerii ne tient pas à s'éterniser davantage et tient à marquer le coup de manière vive et rapide. Quoi de mieux que de commencer par la décapitation d'un homme la tête coincée dans un excavateur. Au moins, les choses sont dites et le récit peut pleinement démarrer avec un inspecteur Peretti qui mettra le doigt dans un engrenage qui risque fort bien de le dépasser. Ces meurtres s'accumulant font ressurgir une histoire ancienne et non résolue où une jeune fille fut enlevée, séquestrée avant de mourir d'inanition. Son père parti à sa recherche en échange d'une grosse somme d'argent sera tué. L'affaire Moroni qui a tant troublé les enquêteurs de l'époque semble avoir un lien avec les événements actuels. Peretti, dans une enquête qui finira par l'engloutir non pas seulement lui mais aussi la police, sera amené à plonger dans une famille d'origine bourgeoise marquée par ce double meurtre.
Valerii en profite, comme bon nombre de ses semblables, pour égratigner ce milieu qui, sans se vautrer dans des bacchanales, la prise de drogues et la corruption, est loin de toute confiance. Rien n'est montré mais à travers les yeux des différents protagonistes, chacun semble cacher quelque chose d'inavouable, un vice qui ne peut se révéler ou des preuves qui les mettraient en danger.
De son côté, la police démontre son incapacité à faire face à ces meurtres en série. Jamais ils ne sont représentés ou agissent comme des héros. Etant les pièces d'un vaste puzzle de secrets bien cachés et de faux-semblants, chacun d'eux participe à la véritable force de Folie Meurtrière qui réside dans son intrigue, son suspense haletant et une intensité de tous les instants. Le scénario parfaitement maîtrisé est riche en complexité sans qu'il ne devienne incompréhensible. Les pistes sont nombreuses, les questions posées font que le cinéphile tient à connaître le fin mot de cette tragédie de grande ampleur à la base de laquelle la mort d'une innocente fillette qui est l'incarnation de la beauté et surtout de la pureté. En arriver à ce niveau d'ignominie n'est pas quelque chose de fréquemment vu dans le giallo. La Lame Infernale et surtout Qui l'a vue mourir ? sont les deux longs-métrages qui sautent aux yeux sur le tabou absolu de mettre en scène la mort juvénile sous fond d'assassinat. Evidemment, aucun de ces passages ne sera filmé.
En revanche, les laudateurs de sensations fortes risquent d'être déçus car Folie Meurtrière se centre sur sa trame qu'il gère presque à la perfection. Ceux qui affectionnent la crudité des meurtres pourront tirer la moue car il y en a peu mais vite rattrapés par leur cruauté. Tous ceux qui ont vu le film ont encore en mémoire la séquence de la scie circulaire. Y a-t-il alors beaucoup d'érotisme ? Là encore, je serai forcé de vous décevoir. On pourra assister à deux actrices, la poitrine à l'air, avec ou non quelques moments de tendresse en compagnie d'un homme mais rien de bien émoustillant. A défaut de tout cela, Valerii s'embarquera sur de la pédophilie très ambiguë via cet artiste qui fut apparemment très proche de la fillette. L'instant d'après voyant une petite fille totalement dévêtue arriver dans la salle et servant de modèle au dit artiste. Ce court passage parvient à placer le cinéphile dans un état de malaise face à une pareille scène qui serait très certainement impossible à tourner en 2020, malgré l'ambiguïté autour. De fait, il faudra apprécier Folie Meurtrière avant tout pour sa manière de raconter quelque chose plutôt que sur une simple irrévérence sanglante. Le sang ne coule de toute façon pas beaucoup.
Folie Meurtrière ne sera pas non plus un exemple de transgression graphique ou quelconque prise de risque visuelle. Il opte plutôt pour une mise en scène académique, filmant avec une dextérité certaine tout ce qui passe, sans ne jamais surprendre le cinéphile comme un Dario Argento ou un Sergio Martino l'aurait fait. Les décors sont rudimentaires et les éclairages classiques sans fulgurance quelle qu'elle soit. Ce n'est fondamentalement pas un défaut car il y a çà et là quelques soubresauts plus stylisés pour rattraper. On appréciera aussi la vision subjective où nous voyons à travers les yeux du tueur. Chose qui sautera aux yeux dans l'appartement de la maîtresse.
Une gommette est aussi à attribuer à Ennio Morricone qui est encore le grand compositeur sonore, toujours très plébiscité dans le monde du giallo. Moins marquante que certaines, elle ne s'éloigne jamais de la tonalité glauque où les chants enfantins s'entendent dans les moments les plus troubles. Enfin, le film pourra compter sur un très bon casting habitant ses personnages. Parmi ceux-ci, le réputé George Hilton est crédible en inspecteur hargneux et loin d'être bête. On citera aussi Marilù Tolo, William Berger, Patty Shepard, Helga Liné, Salvo Randone et Piero Lulli.
En conclusion, quelle ne fut pas ma satisfaction arrivée à la fin de voir que mon investissement financier fut plus que judicieux, compte tenu du très bon niveau global. Alors, il est vrai que l'on ne tiendra pas l'oeuvre qui vous enverra 500 kg de tripes en pleine poire. Il est vrai aussi qu'elle ne sera pas détentrice d'exécutions sauvages. On préférera le terme "sans pitié" au vu de la détermination d'un serial-killer menaçant entièrement vêtu de noir. Il est également juste de ne pas s'attendre à un véritable festival de corps nus s'entrelaçant. Pourtant, nous arrivons à vite faire l'impasse sur tout ça pour se laisser porter par une narration exemplaire qui peut sans conteste immiscer Folie Meurtrière parmi les scénarios les mieux maîtrisés de l'histoire du giallo.
Rien que cela justifie son visionnage et quand, en plus, certains ont été jusqu'à dire de Valerii qu'il pourrait être vu comme le digne successeur de Argento, je crois que tout est plus ou moins dit. Il est assez regrettable que Folie Meurtrière soit le seul essai de son auteur qui aurait, à n'en point douter, su apporter encore beaucoup au giallo.
Note : 14,5/20