Last_Shift

Genre : horreur, épouvante (interdit aux - 12 ans)
Année : 2015
Durée : 1h28

Synopsis : Une policière débutante a pour mission de garder un vieux commissariat avant sa fermeture définitive. Le travail paraît simple mais lorsqu'elle découvre que les lieux sont hantés par l'esprit d'un gourou mort voici quelques années, les choses se corsent. 

La critique :

C'est un constat amer, presque dogmatique. En l'espace d'une dizaine (voire d'une quinzaine...) d'années, le cinéma d'horreur hollywoodien a perdu de sa verve, de sa splendeur et de sa superbe, au grand dam des thuriféraires de longue date. Après avoir généreusement prodigué toute une salve de remakes, de qualité erratique, le torture porn signait à son tour sa résurgence. Ainsi, Saw (James Wan, 2004) et Hostel (Eli Roth, 2006) se sont transmutés en franchises lucratives et mercantilistes. Corrélativement, les sagas Massacre à la Tronçonneuse, A Nightmare On Elm Street, Halloween et Vendredi 13 ont - elles aussi - exhumé leurs croquemitaines de leurs sépulcres via plusieurs séquelles, spin-off et épisodes alternatifs. Intérêt ? 
Le néant ou presque... En dépit de quelques sursauts circonstanciés, mais guère davantage.

Les activités démonologiques se devaient à leur tour de transparaître, avec plus ou moins d'éloquence et de sobriété. La série Paranormal Activity n'a pas vraiment laissé un souvenir impérissable, loin de là... Quant à James Wan, l'auteur démiurgique de Saw premier du nom (encore lui !) s'octroyait la couronne du nouveau maître de l'épouvante. Ainsi, Dead Silence (2007), Insidious (2011), Insidious - Chapitre 2 (2013), Conjuring - Les dossiers Warren (2013) et Conjuring - Le cas Endfield (2016) permettaient encore de raviver cette flamme, hélas évanescente. 
Pourtant, le constat reste invariablement analogique. Le cinéma d'épouvante est en convalescence, à l'agonie, voire en phase terminale. Les années 2018 et 2019 se sont montrées plutôt pingres et lapidaires en termes d'effroi et de tremolos dans la voix. 

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Qu'ils se nomment La Nonne (Corin Hardy, 2018), La malédiction de la dame blanche (Michael Chaves, 2019), Brightburn - L'enfant du mal (David Yarovesky, 2019), Annabelle - La Maison du Mal (Gary Dauberman, 2019), Crawl (Alexandre Aja, 2019), Scary Stories (André Ovredal, 2019), ou encore The Strangers - Prey at Night (Johanne Roberts, 2018), toutes ces pellicules corroborent la léthargie actuelle du cinéma horrifique... On a encore entrevu cette même sénescence lors la sortie de Ma (Tate Taylor, 2019), un nouveau film d'horreur qui s'était surtout illustré par son indolence. Seules exceptions qui confirment la règle, Us (Jordan Peele, 2019) et Hérédité (Ari Aster, 2018) rappellent - avec frilosité - que le cinéma d'horreur reste toujours d'actualité. 
Une maigre consolation...

Pour le reste, les longs-métrages, unanimement pusillanimes, naviguent entre les slashers stéréotypés et les thrillers horrifiques aseptisés. Mais, entre deux DTV (direct-to-video) galvaudés, on tombe parfois sur une série B surprenante. C'est par exemple le cas de Last Shift, réalisé par la diligence d'Anthony DiBlasi en 2015. Ce cinéaste et producteur américain s'est essentiellement spécialisé dans l'horreur, un registre cinématographique auquel il semble faire voeu d'allégeance. Mieux, Anthony DiBlasi s'est taillé une solide réputation auprès des aficionados du cinéma trash, voire underground. On lui doit notamment Terreur (2009), Cassadaga (2011), Missionary (2013), Le segment "Mother May I" pour le film The Profane Exhibit (2013), Most Likely To Die (2015), Wuthering High School (2015), Her Last Will (2016), ou encore Extremity (2019).

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En raison de son statut de série B désargentée, Last Shift n'a pas bénéficié d'une distribution dans les salles obscures. Le long-métrage d'Anthony DiBlasi devra donc se départir par l'entremise des festivals, du streaming et du support vidéo. Paradoxalement, Last Shift s'arroge une solide réputation auprès des thuriféraires du cinéma d'épouvante. Même les critiques se montrent unanimement panégyristes. Reste à savoir si Last Shift mérite - ou non - de telles flagorneries. Réponse à venir dans les lignes éparses de cette chronique... La distribution du film risque de ne pas vous évoquer grand-chose, à moins que connaissiez les noms de Juliana Harkavy, Joshua Mikel, Hank Stone, J. LaRose, Natalie Victoria, Sarah Sculco, Kathryn Kilger, Mary Lankford et Matt Doman ; mais j'en doute...
Attention, SPOILERS !

(1) Jessica Loren, une jeune flic noviciat, a l’immense privilège de commencer sa carrière en tant que garde de nuit dans l’ancien commissariat vide avant qu’il ne soit définitivement fermé. Quelque part entre 22h et 4h du matin, une équipe doit venir récupérer des saloperies chimiques restées dans la salle où étaient entreposées les pièces à conviction. Un job super excitant pour un premier jour de carrière, donc. Sauf qu’évidemment, tout part très vite en sucette et Jessica s’aperçoit qu’elle n’est peut-être pas si seule que ça dans ce grand bâtiment. Il faut dire qu’un an plus tôt, trois membres d’une secte façon Charles Manson s’y sont donné la mort après avoir semé pas mal de cadavres sur leur passage – y compris le père de Jessica (1). A l'aune de cette exégèse, rien ne semble distinguer Last Shift d'une concurrence apoplectique en termes de supplications démonologiques.

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Par certaines contiguïtés matoises, la trame narrative n'est pas sans rééditer les finauderies de Rec (2008), à la seule différence que l'action ne se déroule pas dans un immeuble, mais dans un commissariat. De surcroît, il n'est pas question ici de zombies décrépits, mais d'esprits acariâtres qui serinent et tourmentent une jeune policière néophyte. On songe parfois à Assaut (John Carpenter, 1976), une autre référence à laquelle Last Shift fait voeu d'obédience. Mutin, Anthony DiBlasi prodigue un film d'épouvante sagace et qui parvient à s'extirper de ses augustes bréviaires. Certes, Last Shift joue la carte des jump scares, mais toujours au profit de quelques révélations perspicaces.
Ainsi, au fil des belligérances, le scénario s'agence sur le passé troublé de son héroïne principale. Ingénieux, Anthony DiBlasi prend son temps (environ une demi-heure) pour planter le décor. Une fois les martialités en place, Last Shift nous happe littéralement à la gorge et enchaîne les péripéties à une vitesse astronomique. Pourquoi Jessica Loren ne choisit-elle pas de quitter le commissariat ? Tel est la question qui exhale en filigrane... Sur ce même sophisme, le long-métrage justifie son emphase en épousant les réminiscences familiales, une piste peu probante et corroborée par un final capillotracté. Mais ne soyons pas trop vachard... Dans son genre, Last Shift se montre allègrement supérieur à la moyenne habituelle et aurait amplement mérité une sortie (même élusive...) dans les salles obscures. Une excellente surprise, en somme...

 

Note : 14/20

(1) Synopsis du film sur : https://lebloghorreur.com/2016/01/25/last-shift-revue/

sparklehorse2 Alice In Oliver